AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Derrière un synopsis déjà bien barré mais néanmoins très inventif (un caméléon en pleine crise d’identité, fallait oser tout de même), l’auteur du pirate téméraire bien connu sous le nom de Jack Sparrow : Gore VERBINSKI, refait surface et nous livre une fable touchante, bien ficelée, criblée de références, de clins d’œil et au graphisme léché jusque dans ses moindres détails. Lorsque mes yeux, suivants avec difficulté l’arborescence de noms du générique de fin et ignorant la foule de péquenots se précipitant vers la porte de sortie, reconnurent à la place du compositeur de la bande originale HANS ZIMMER, l’idée de me précipiter sur la musique avait déjà germé dans mon esprit.

L’humour du métrage se veut décalé, à juste quelques lieues du grotesque, la musique est du même acabit. Dès la "Rango Suite" et "Name’s Rango", on saisit toute la croustillance du personnage aux yeux d’ahuri. Parfois, ornés d’extraits de dialogues tirés du film, le disque commence dans la nonchalance et se poursuit dans le délire total de "It’s a Metaphor" dont le rythme clownesque et les élans aux gros riffs de guitare saturée complètement déjantés commencent à interroger l’auditeur qui serait tenté d’émettre une petite réflexion de type « What the fuck ? », avant de s’enfiler un plein flacon d’adrénochrome pur, de se vautrer sur le pieux et de gémir comme un raton laveur.

Bon, le délire c’est bien, mais certainement pas pendant un album complet. ZIMMER le sait, et c’est avec une certaine élégance qu’il marie sérieux et débile. C’est le cas de cette amusante reprise de "La Chevauchée des Walkyries" de Richard WAGNER sur "Bats" doublée de banjos caricaturaux, de guimbardes ineptes et d’harmonicas idiots. Le morceau embraille d’un coup sur la valse du "Beau Danube Bleu" de Johann STRAUSS, illustrant ce très savoureux moment où Rango plane dans tous les sens du terme. Un pied dans la véritable action, l’autre dans l’univers du personnage. Reconnaissons que le contraste est plutôt intéressant.

L’album regorge d’ambiances réussies : "Underground" et son ton grave marié à des chœurs discrets qui ne sont pas sans rappeler le travail de Danny ELFMAN ; l’envolée épique de "It’s a Miracle" qui salue par moment la musique de John WILLIAMS, les bons vieux westerns du temps d'Ennio MORRICONE évoqués dans "We Ride, Really !" et "Rango Returns". Les références pleuvent.

ZIMMER occupe une place prépondérante dans la partition de cette B.O., mais il faut aussi souligner le travail réalisé par les artistes invités qui gratifient l’album de petites perles comme l’amusante marche "Welcome Amigo" (par Rick Garcia), "Rango Theme Song" et le survitaminé "Walk Don’t Rango" (par le groupe américano-mexicain LOS LOBOS).

Difficile de parler de B.O. sans avoir à se répéter, ZIMMER a réalisé du très bon boulot pour le film, mais il serait peut-être un peu plus délicat à justifier en CD. L’album ne convaincra pas à mon sens les dubitatifs, mais à ce que l’on dit, le monde se divise en deux catégories.