L’idée d'un disque commun avec le roi du blues a germé pendant l’enregistrement de Deuces Wild et correspond à un moment privilégié dans la carrière de Clapton, qui grâce au succès de Unplugged, peut enfin enregistrer ce qui lui fait plaisir, sans se soumettre aux exigences de sa maison de disque. Alors, bien sur, il se tourne vers la musique qu’il a toujours aimée, et du côté d’un géant de celle-ci...La pochette donne le ton, Clapton et B.B. King sont dans une voiture décapotable tout sourire et c’est Eric qui est au volant.

Le groupe est celui de Clapton, agrémenté de quelques invités, plus, hélas, des Protools et de la programmation qui font tache sur un disque de « blues ». D’ailleurs ce n’est pas qu’un disque de blues et c’est là le paradoxe, beaucoup de fans de blues pur et dur seront déçus alors qu’un public moins puriste appréciera le modernisme de certaines chansons.

Toutefois, il semble évident que ce sont les trois morceaux écrits par le King qui tirent leur épingle du jeu, "Ten Long Years" avec un Clapton tout en retenu, qui laisse s’exprimer la guitare du maître, "Three O'Clock Blues" avec un groupe réduit et des vrais instruments est une pépite dans laquelle Clapton se lâche vraiment et BB King lui répond, rien que pour ces instants le disque est indispensable pour tout amateur de blues. "When My Heart Beats Like a Hammer" est un blues lent, sept minutes de bonheur, l’essence de cette musique, le son des guitares qui pleurent dans la nuit du Delta.

A côté de ces grands moments les autres titres sont un mélange de diverses musiques comme le sautillant "Riding with the King" composé par John Hiatt, assez rock FM, et un somptueux "Come Rain or Come Shine". Les deux hommes chantent ensemble, et on mesure les qualités vocales d’Eric dans ce morceau chanté par Ray Charles. On notera qu’au fil des ans, Clapton est devenu un superbe chanteur de blues après avoir travaillé énormément sa voix, parvenant à lui donner cette profondeur que beaucoup de vieux bluesmen acquièrent à leur naissance comme un don du ciel.

Les autres titres sont d’un niveau nettement au dessous et quand on le décortique, l'album comporte quelques faiblesses, mais son écoute demeure toujours agréable, les titres s’enchaînent bien, la musique est joyeuse, ce n’est pas LE chef d’œuvre, mais simplement la réunion de deux grands musiciens qui se respectent et qui ont envie de nous faire passer un bon moment comme avec cette reprise de “Key To The Highway” à l’acoustique, assez réussie mais qui, in fine, n’apporte rien aux nombreuses versions déjà publiées.

Deux millions de personnes ont succombé à ce charme insidieux, à ces accords magiques, à ce mélange de tradition et de modernisme. Alors certes ce n’est pas LE disque de blues, simplement quelques chansons jouées cool entre copains.