Michel BERGER. La présentation de cet auteur-compositeur-interprète est complètement inutile, tant est grande sa renommée : des tubes à la pelle, des collaborations avec une bonne partie des grands noms de la chanson française, sans oublier de citer l'incontournable Starmania, considéré comme le plus grand opéra-rock jamais créé.
Pourtant, ce n'était pas gagné, il était même peu probable de voir BERGER devenir célèbre : il se lance dans les années 60 comme tant d'autres, mais le succès de ses 45-tours est inexistant. Il se reconvertit alors dans l'écriture de chansons pour d'autres artistes. Mais c'est après un break de quelques années, pendant lesquelles il cherchait de nouvelles têtes pour Pathé-Marconi, qu'il se décide à sortir son premier 33-tours, Puzzle, un échec terriblement cuisant, ce qui explique sans doute qu'il est aujourd'hui très difficile – mais pas impossible – de trouver cet album. Et c'est d'autant plus dommage que c'est un excellent album de rock progressif.

Puzzle bénéficie d'une direction artistique assez ambitieuse, alliant un orchestre à des instruments rock, démarche honorable bien que déjà faite par d'autres (cf. ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA et PINK FLOYD), et assez originale dans le paysage musical français. Rappelons également que BERGER ne chante pas du tout sur Puzzle, sauf si l'on considère son piano comme une (magnifique) voix, et qu'il se trouve déjà avec son arrangeur fétiche, à savoir Michel Bernholc.
Le morceau "Puzzle" est divisé en trois mouvements, dont le troisième est lui-même coupé en deux, vinyle oblige. Franchement, c'est une belle réussite. Les cordes de l'orchestre sont admirablement bien jouées, le piano court et parcourt les mouvements avec grâce. De plus, la 'formation pop' décrite par BERGER, à savoir le trio guitare-basse-batterie s'intègre assez bien au tout sans détonner ni choquer. Il se trouve même des riffs assez puissants et bien joués, notamment dans la deuxième partie du 3ème mouvement. Et que dire aussi du milieu du 2ème mouvement, soit la meilleure partie de l'oeuvre ? "Puzzle" est une vraie merveille de crossover musical, même si l'auditeur de 2012 ne pourra pas le ressentir systématiquement. Parmi les rares défauts, mentionnons entre autres un certain manque de liens entre les mouvements, ainsi qu'un léger manque d'émotions, mais rien de bien grave.

En complément à Puzzle, se trouvent deux soli de Michel BERGER au piano. Le premier, "Enfantillages", ressemble en effet à une sorte de récréation qui perd de son énergie au fur et à mesure que le temps s'écoule. Quant à "Rêve D'Un Concerto", il est efflanqué de l'émotion qui manquait à Puzzle, dont certains thèmes sont répétés ici. Un bon coda en somme.

Puzzle est donc un premier album qui, sans être magistral, présente au moins le mérite de montrer que Michel BERGER est tout sauf un manche en tant que compositeur. Mais, comme je l'ai dit au premier paragraphe, c'est un échec vraiment important, qui oblige BERGER à se réorienter vers la variété française où il se taillera un nom à la hauteur de son talent, sans compter que les gens n'ont pas encore vraiment entendu sa voix – sauf ceux qui ont acheté ses 45-tours des années yé-yé.