La parenthèse SHOBALEADER ONE faisait craindre le pire. Le monde libre retenait son souffle et attendait de savoir si oui ou non, l’inspiration de Tom JENKINSON avait pris la poudre d’escampette. Le constat est sans appel après l’écoute de cet Ufabulum pas fabuleux : on peut commencer à coller des affiches et à battre la campagne.

« Ohé ! Ohé ! Inspiration ! Où es-tu ? »

Enfuie, et avec elle nos meilleures années ! Il n’est pas si lointain le temps où Tom JENKINSON, basse en bandoulière, faisait régner l’expérimentation et le groove sur le monde de l’électro. Je le revois, beau comme un geek, mal-peigné et hirsute, sur la pochette d’Ultravisitor. Au moins a-t-il su conserver une pensée affectueuse pour les joueurs de petit bac qui peinent à trouver des titres d’albums commençant par U.

Urbain, Ursula, Uruguay, Ubaporanga, Urgentiste, Ufabulum.

Au-delà de toute nostalgie mal placée, qui, comme chacun sait, est un sentiment qui devrait être combattu à coups de scramasaxe, Ufabulum déçoit parce que c’est un bon album d’IDM. Hop ! on relève la contradiction, on relit deux fois pour être sûr, on fronce son sourcil de lecteur et on attend la suite avec un rictus sceptique au coin des lèvres. Certains anatomistes seront tentés de dire qu’on a rarement vu un rictus sceptique au coin d’un orteil ou d’une hanche, et que, par conséquent, ma description du lecteur est pléonasmique. Voilà le genre de remarques qui pourrait très bien vous attirer une volée de francisques.

Un bon album d’IDM, donc. SQUAREPUSHER est indéniablement un musicien talentueux qui maîtrise depuis longtemps un large éventail de styles. Avec les années, il a mis en valeur son jeu de basse et a peu à peu délaissé l’IDM. Ses derniers essais en date, Just a Souvenir et D’demonstrator, devaient autant au jazz et au rock qu’à l’électro. Une fusion parfois inaboutie mais qui avait le mérite d’être audacieuse. Là, sur Ufabulum, renversement complet : SQUAREPUSHER livre une IDM conventionnelle et un peu passe-partout. Il reste bien quelques traces des expérimentations récentes et un talent mélodique certain, mais pour un artiste de cette trempe, quel renoncement !

Le ton est donné dès « 4001 », qui propose une mélodie immédiate soutenue par une rythmique assez sage. A l’occasion, on retrouve parfois des sonorités qui rappellent D’demonstrator, sur « Unreal Square » et « Stadium Ace » notamment, mais l’inspiration rock a vécu. La grande majorité des titres de l’album se contente d’une IDM assez facile, sans gros travail rythmique. A l’exception notable de la fin du disque, avec un enchaînement « Drax 2 » / « Dark Steering » / « 303 Scopem Hard » qui lorgne vers un breakcore plutôt sombre. La boîte à rythmes s’agite et SQUAREPUSHER retrouve les enchaînements frénétiques de sa période Rephlex. Juste le temps de baver, d’espérer un peu mieux, et le disque s’achève.

En résumé, Ufabulum est un album frustrant. Tom JENKINSON donne un aperçu de son talent dans la dernière ligne droite, mais s’enferme autrement dans une IDM assez convenue. Le disque est plutôt bon, s’écoute assez facilement, mais avec la vitalité actuelle de la scène électro, une telle livraison risque fort de passer inaperçue malgré l’aura de son auteur. Triste constat de cette année 2012 : SQUAREPUSHER n’est plus un cas à part.