Qui es-tu SQUAREPUSHER ? Un bassiste de génie ? Un expérimentateur loufoque ? Un escroc retors ? Le jumeau maléfique de Patrick Sébastien ? Le frère de Ceephax ? Un peu tout cela à la fois, à tel point qu’on ne sait plus trop à la fin, si on l’aime vraiment, cet Anglais péteux et ses projets en forme d’usine en gaz. Le dernier en date ne risque pas de simplifier les choses : Tom Jenkinson a décidé de collaborer avec un concepteur de robots japonais pour sortir un EP entièrement joué par des robots : Music for Robots. On dirait le début d’un album de Black et Mortimer.

La division marketing de Warp essaye de nous faire passer ça pour une nouveauté renversante, c’est normal, c’est leur boulot. Reste que l’histoire de la musique est traversée d’automates plus ou moins réussis censés remplacer les interprètes de chair et d’os. Citons le projet loufoque Captured! by Robots conduit par un Américain un peu dingue depuis la fin des années 90, mais aussi les Daleks de Doctor Who, créatures haineuses dont les exclamations nasillardes ont leurs adeptes.

Ne soyons pas non plus trop blasés, il faut bien avouer que ces robots ont fière allure et que la performance technique est époustouflante. Les Z-Machines ont été conçues pour former un groupe de rock aux capacités surhumaines : le guitariste joue de deux guitares à la fois, le batteur a vingt-deux bras, et le bassiste… euh… le bassiste… tiens, même dans les groupes de robots ils oublient de filer la fiche biographique du bassiste ! La route est encore longue pour la reconnaissance de vos droits, camarades !

La musique en elle-même fait furieusement penser à SHOBALEADER ONE, le projet électro-rock de SQUAREPUSHER qui avait sorti un album il y a quatre ans. Le début de l’EP est plutôt plaisant, avec une introduction énigmatique en forme de duo piano-batterie (« Remote Amber »). Le morceau le plus intéressant, « Sad Robot Goes Funny » déboule tout de suite après, avec un final déchaîné qui fait honneur aux capacités des robots. De manière assez amusante, les instruments utilisés par ces derniers donnent un fort parfum de J-Pop à Music for Robots.

Pour le meilleur… et pour le pire. La guitare est affublée d’un son trafiqué vraiment irritant, qui replongera certains dans leurs exactions enfantines sur claviers et guitares Playskool. « World Three » et « You Endless » ont un petit arrière-goût de B.O. de Final Fantasy VIII, la douceur et la subtilité en moins. « Dissolver » commence mal, mais à mesure que le morceau gagne en vitesse, on se prend à apprécier la course-poursuite entre la guitare et la batterie.

Music for Robots n’est rien d’autre qu’une curiosité de plus dans la carrière de SQUAREPUSHER, un louable effort de sortir des sentiers battus et de donner une dimension artistique à des avancées technologiques fascinantes. Musicalement, c’est plutôt moyen, mais on passe un moment agréable. Finalement, on l’aime bien cet Anglais péteux…