Drôle de décennie pour SQUAREPUSHER. Quelque part en 2010, le bassiste et le DJ ont décidé de faire chambre à part dans son cortex. L’identité sonore mi-jazz mi-électro qui s’était consolidée sur Ultravisitor a soudain été reléguée aux expériences de SHOBALEADER ONE, groupe formé par le DJ anglais le temps de deux albums inégaux. La carrière solo de Tom JENKINSON, elle, se poursuivait dans une toute autre direction, celle d’un apparent retour aux sources qui, en réalité, masquait un travail méticuleux de technicien et d’inventeur. SQUAREPUSHER code son propre logiciel musical, fabrique des synthés, compose pour des robots musiciens, mais cette avalanche d’innovations cache à grand-peine les recettes éculées d’une musique de plus en plus anodine. Damogen Furies, sorti en 2015, donnait certes quelque signes d’espoir. Mais, à tout prendre, l’album le plus intéressant sorti par le DJ britannique entre 2010 et 2020 est sa collaboration avec l’organiste James McVINNIE sur l’album Making All Night Chroma (2019).

Depuis, Tom JENKINSON semble traverser une mauvaise passe : une fracture du poignet l’a empêché de jouer de la basse, son instrument fétiche. Il a donc ressorti son vieil équipement analogique du placard pour se changer les idées. C’est décidément une constante chez les D.J de cette génération, ce besoin de retrouver le MIDI dès que les choses vont mal. Be Up a Hello, l’album issu de cet accès de nostalgie, poursuit logiquement le sillon creusé depuis Ufabulum : une électro bloquée quelque part à la fin des années 1990, pas désagréable, mais terriblement anachronique.

L’ombre de VENETIAN SNARES, cinq ans après Damogen Furies, plane toujours sur la musique de SQUAREPUSHER. C’est somme toute logique : en radicalisant les charges rythmiques présentes sur les premiers albums de SQUAREPUSHER, on obtient tout naturellement du breakcore. Il est souvent assez fade : les singles choisis pour lancer Be Up a Hello : "Neverlevers", "Vortrack", démontrent qu’une musique peut être à la fois abrasive et molle. Le troisième single, "Terminal Slam", dans le même genre véloce, est beaucoup plus percutant, preuve que Tom JENKINSON sait encore faire crépiter les synapses de ses admirateurs. Le second titre très réussi de l’album l’est dans un genre tout à fait différent. "Detroit People Mover" est un morceau ambient porté par une mélodie délicieuse aux synthés, respiration idéale placée au milieu de l’album.

Le reste du disque est parfaitement oubliable, mille fois entendu. L’IDM d’ "Oberlove" ou de "Hitsonu" manque de folie, tandis que le second titre ambient, "80 Ondula", rejoint le cimetière des titres vaporeux incolores placés en fin d’album. Quand la musique se fait plus radicale, les rythmes plus déstructurés ("Mekrev Bass", "Speedcrank"), l’impression de vacuité est la même : à quoi bon reproduire dans le confort douillet de la nostalgie des expérimentations qui ont déjà été faites par d’autres ?

Allez, on va mettre ce petit écart sur le compte du syndrome de l’album-thérapie. Avec Be Up a Hello, SQUARESPUHER soigne son vague à l’âme, fort compréhensible du reste pour un musicien que la rééducation tient éloigné de sa basse. Ce faisant, il s’enferme dans un cocon de sons interchangeables. Cependant, connaissant l’animal, il va nous revenir fringant dans quelque temps avec une symphonie chorale pour assistant personnel virtuel.