Le docteur Frankenstein n'est pas mort. Il s'est perdu dans les méandres de l'espace et du temps, a été transformé et son esprit s'est subdivisé en plusieurs entités appelées patrons de maisons de disques. Je ne vois pas d'autres explications plus plausibles pour expliquer l'existence d'Exceller 8.
Exceller 8, késako ? Il s'agit ni plus ni moins de la seule compilation officielle de KRAFTWERK. Oui, ça existe. La compile est sortie en 1975, peu de temps avant Radioactivity. Il s'agissait alors – bien évidemment – de profiter du succès du groupe obtenu avec le génial Autobahn. Alors, bien sûr, des choix ont été faits parmi les quatre premiers albums du groupe, et rien d'autre. Pas d'inédits en vue puisqu'en vérité, ça n'existe pas chez KRAFTWERK.
Le contenu d'Exceller 8 serait-il donc totalement dénué d'intérêt ? Bien sûr que non. Déjà, c'est du KRAFTWERK, et dire que KRAFTWERK n'est pas intéressant, c'est se risquer à la contre-vérité historique. Ensuite, presque tous les titres choisis sont en vérité des versions raccourcies des morceaux d'origine, ceux issus de Ralf und Florian étant les exceptions de service. Ceci se comprend assez facilement, difficile par exemple de vendre une compile commerciale avec les 22 minutes d'"Autobahn".

La liste des titres ne néglige aucun album. Les morceaux ne sont pas présentés de manière chronologique, ce qui n'est pas plus mal. Comme dit plus haut, ils ont été découpés, d'une bonne manière en général. Il est alors intéressant de voir comment "Autobahn" a été réduit en single. Pour ce qui est d'être efficace, il l'a assurément été puisqu'il a bien cartonné, notamment en Angleterre. Bien que certains râlent par rapport au morceau original, il faut avoir en tête le pourquoi du comment d'un tel single. Comme seul défaut, on peut lui reprocher une trop grosse coupure à la fin.
Les autres morceaux sont bien évidemment tous aussi intéressants les uns que les autres, et leur présence fait honneur au groupe quoique l'extrait de "Stratovarius" laisse sceptique. Un extrait plus long n'aurait pas été inutile, mais à moins de montrer une filiation avec l'indus, ce n'est pas trop ça niveau pertinence. Dans le même style, "Von Himmel Hoch", privé de sa partie centrale, s'en sort bien mieux. Le plaisir d'entendre Ralf et Florian simuler un bombardement reste intact. Et bien évidemment, impossible de faire une compile de KRAFTWERK sans prendre "Kristallo", soit la raison numéro 1 de ne pas oublier les trois premiers albums. En enlevant le final, il y avait moyen d'en faire un single. Cela dit, le caractère pas trop pop du morceau va dans le sens contraire, et l'échec du single "Kometenmelodie 2" confirme que le public n'aime pas quand ça va trop loin.

Exceller 8 est, pour être franc, une très bonne compilation. Même si elle défaille par endroits, le balayage des premières années de KRAFTWERK, très bien fait, en offre une superbe vue. Cependant, elle disparaît dès 1980, sans doute dans la logique du groupe de focaliser l'attention sur sa période électronique. Exceller 8 a donc à ce jour le statut de pièce de collection pour les grands fans du groupe. Toutefois, la chercher à tout prix n'est pas le truc le plus intelligent à faire, mieux vaut se ruer sur les trois premiers albums.