Au final, dans le monde de la musique, qu'est-ce qui est le plus énervant ? Un disque raté de bout en bout mais qui cartonne, un album qui aurait pu être quasi-parfait mais est gâché par deux morceaux pénibles, ou bien celui qui oscille clairement entre le passable et l'excellent ? Difficile de répondre, et encore moins dans un cadre général. Ce qui est sûr en revanche, c'est que BGM, le quatrième album studio de YELLOW MAGIC ORCHESTRA, se situe dans la troisième catégorie.

BGM n'est pas loin d'être un album schizophrène. En effet, le bon, le très bon côtoie le plus que passable, voire le mauvais. On pourrait dire la même chose concernant Zoshoku, sauf que la qualité de ce dernier était surtout dégradée par des numéros non-musicaux. BGM n'est constitué que de morceaux de musique, et il est d'autant plus bancal que les meilleurs d'entre eux sont vraiment excellents.
Ce n'est pas rien de le dire, d'ailleurs. Rien que du côté production, l'évolution est spectaculaire. Le développement de la musique électronique est pour ainsi dire très actif, et YMO arrive à en profiter du mieux qu'il peut, notamment avec le légendaire TR-808. Ensuite, ce qui frappe bien fort, c'est la perte du côté franchement drôle, non pas que YMO soit devenu sinistre, mais se met à jouer quelque chose de plus sérieux.
Concrètement, tout cela se traduit par au moins trois morceaux d'anthologie. Le premier, "Ballet", ouvre d'ailleurs le bal (hahaha). L'expression de la lassitude et de la tristesse est exprimée à merveille rien qu'à travers la musique et le chant de Takahashi, et une lecture des paroles le confirme d'ailleurs. Par la suite, YMO montre encore une fois qu'il est aussi doué dans les chansons que dans les instrumentaux, en témoigne par exemple "1000 Knives". Le premier contact risque fort d'être assez décevant, il faudra des écoutes ultérieures pour comprendre ce morceau, mais une fois que c'est fait, on ne peut qu'apprécier ce morceau à mi-chemin entre la techno et la synthpop. Ceci étant, une certaine monotonie empêche de le qualifier de génial. Ce qui est le cas, en revanche, de "U.T". Le côté épique qu'y insuffle YMO est impressionnant, et surtout pertinent. Les parties syncopées de claviers y contribuent fortement, mais c'est surtout le « refrain » qui fait de U.T un incontournable. "Mass" utilise certes des claviers datés, mais l'émotion qu'il compte faire passer est palpable, et le groupe conclut l'album avec "Loom", une plage ambient assez pertinente.

Pour ce qui est des autres morceaux, on passe du moyennement bon au franchement mauvais. Dans cette dernière catégorie, "Happy End" est tout bonnement insupportable, et n'a rien à faire ici tellement son vide pèse. "Cue" est un titre synthpop assez bateau, avec une mièvrerie vocale difficilement supportable. A côté se trouvent donc des plages qui auraient bien mérité plus d'attention en ce qui concerne le songwriting. Je pense notamment à "Rap Phenomena", au titre explicite, dont l'austérité musicale empêche une chanson alors (relativement) expérimentale de marquer, et aux pistes de réflexion musicales intéressantes.

En perdant son côté complètement fun et décomplexé, YMO aurait-il perdu également un peu de talent ? Sans nul doute, mais les deux ne sont pas liés pour autant. Cependant, ce n'est pas ça qui va empêcher YMO de continuer à cartonner au Japon, dominant ainsi sans pitié les charts. C'est mérité, même si le successeur de BGM devra faire mieux.