En signant YELLOW MAGIC ORCHESTRA en 1978, la maison de disques Alfa Records savait-elle qu'elle venait de trouver la poule aux œufs d'or ? Jugez plutôt : en dehors du premier opus sorti en 1978, tous les albums studio, et même le live Public Pressure (1980), ont atteint le top 5 des charts japonais. Une performance inouïe, que peu de groupes même de nos jours peuvent s'enorgueillir. Mais était-ce forcément mérité ? Oui. Pour tous les albums ? Non : BGM (1981) est un album de transition qui ne doit son gros succès qu'au nom « Yellow Magic Orchestra », et Zoshoku (1980) est plombé par ses sketches non-musicaux. Une caractéristique pas forcément heureuse, et qui frappe encore en 1983 avec Service, le 6e album de YMO.

Au départ, on se réjouit d'un disque hors-normes, en termes de durée : 55 minutes. Pour l'édition vinyle, c'est beaucoup. Et 14 pistes, alors là c'est carrément Noël avant l'heure. Oui, mais c'est comme Zoshoku, on a dit : y'a du sketch ici. Presque la moitié du disque est en fait composée de pièces humoristiques jouées par le Super Eccentric Theater, ou S.E.T., dans un japonais tellement japonais que nous autres, connards d'Occidentaux, ne comprenons pas du tout. Parait-il qu'il y a de l'absurde, de l'humour méta, et j'en passe, mais malgré d'intenses recherches, je n'en ai pas trouvé de traduction écrite ni trouvé de Japonais(e) au marché aux puces. Mais d'un autre côté, quoi qu'il s'en dise là, on peut toujours « se contenter » de la partie musicale.

Et là, on retrouve notre YMO préféré… mais moins bon qu'auparavant. Alors certes, on reste dans une musique synthpop/J-pop toujours aussi qualitative, et toujours plus mature et fignolée, mais du côté des composition et de l'inspiration, il faut dénoter une baisse non négligeable. Le trio nippon est même encore capable de balancer du bon gros tir d'artillerie avec "See-Through", démarrant sur les chapeaux de roue avec des paroles aussi minimales que son sujet, et qui servent principalement de prétexte pour un accompagnement musical sublime, inventif, bref, c'est du grand art pop. "Chinese Whispers", pour sa part, est un archétype ultime de la catégorie des chansons J-pop des années 80, tellement new-wave, tellement crépusculaire.

Pour le reste, je ne réduirai pas à un « c'est tout », mais tout de même, on peut être légitimement plus déçu. Oh, bien sûr, ça reste du tout bon : "Limbo" rajoute une bonne grosse dose de fun, chose qui manquait peut-être depuis Zoshoku, il faut l'admettre ; "You've Got to Help Yourself" est présent en intégralité et avec du chant, et c'est une chanson plutôt entraînante et joyeuse bien que longuette. Cependant, si "Shadows on the Ground" a le mérite d'avoir un côté lounge détendu, il n'en reste pas moins anecdotique. Et de manière générale, même si l'on y revient, il n'y a là rien de réellement percutant de bout en bout ou de longuement mémorable.

Ça reste dans l'ensemble une performance plus qu'honorable. Avec Service, YELLOW MAGIC ORCHESTRA parachève sa carrière et termine sa carrière sur une note aussi professionnelle qu'accomplie. Et oui, après cet album et la tournée qui s'ensuivra, ses trois membres décideront de se séparer, en bons termes et afin de mieux poursuivre leurs carrières solo respectives. Au moins, c'est comme VAN DER GRAAF GENERATOR ou les BEATLES dans une moindre mesure : YMO n'aura pas eu le temps d'être réellement mauvais.

Note réelle : 3,5/5