Les sessions de Kid A et d'Amnesiac avaient donné naissance à deux albums radicalement différents de leurs prédécesseurs et dévoilaient le nouveau visage d'une des pointures musicales des années 90. Assez curieusement, Hail to the Thief, cru 2003, n’évolue pas de la même façon. Pourtant, ce sixième album ouvre bien une nouvelle voie. Si la musique semble familière, il y est pourtant difficile de rattacher un morceau entier à l’un de leurs autres albums.

En fait, elle se situe là, l'évolution : RADIOHEAD a fondu toute sa diversité et ses influences en une arme aux multiples tranchants. Plutôt que d'aller rechercher l'inconnu, les membres du groupe ont préféré parfaire ce qui leur était déjà familier. On se retrouve alors avec un album, hybride de différentes époques et influences, naviguant au gré des musiques du XXème siècle. Loin d'un simili best-of, une sorte de symbiose entre la pop, le grunge, le rock, l'électro et le reste. Non sans oublier la patte 'RADIOHEAD'.

Les 2 premiers morceaux annoncent d'emblée la couleur, "2+2=5", hit incontournable de l'album, traduit parfaitement la convergence électro/pop-rock avec son riff en arrière plan, sa mélodie en avant, si étrange, et enfin le chant, omniprésent, rappelant les fameux passages de OK Computer où le temps restait en suspens pour de nouveau plonger dans un cyclone rock dans lequel Kid A et Amnesiac ont laissé leurs cicatrices 'électro'.
"Sit Down, Stand up" et son univers de glace, mélange d'une rythmique feutrée, d'un piano caverneux et d'un chant qui crie son désespoir, opère une formidable montée en puissance. L'habile mélange de traits, pop en ce qui concerne la mélodie et électro au niveau de l'aspect répétitif des paroles, est une fois de plus une réussite.

La suite n'est pas en reste et, selon les morceaux, on peut reconnaître la base d'une certaine période du groupe s'entichant d'influences d'une autre. Dans les titres "Backdrifts", "The Gloaming" ou "Myxomatosis" aux sonorités compressées et au refrain d'anthologie, on retrouve la base électro de Kid A alors que les dépressifs "We Suck Young Blood" et "I Will" rappellent davantage Amnesiac. LE côté OK Computer se ressent dans "There There" aux percussions urbaines où contrastent des grésillements de guitares grungy et une voix douce. Enfin, la première période du groupe plus orientée rock se retrouve aisément dans les derniers titres "Scatterbrain" et "A Wolf at the Door" qui offrent une magnifique conclusion.

Si je me suis évertué à rattacher quelques-uns de ces titres à telle ou telle époque, il est évident que sur la majorité de l'album, c'est la pluralité des styles qui prédomine, ceux-ci étant parfaitement juxtaposés. RADIOHEAD prouve ici qu'en plus de savoir innover, il sait également gagner en maturité et 'parfaire' ce qu'il a échafaudé jadis.
A l'écoute de ce sixième album, c'est la maîtrise du style que le groupe nous envoie en pleine figure. Et devant le manque de reproche à formuler, devant la perfection accumulée sur chacun des 14 titres le jalonnant, le chroniqueur que je suis ne peut que s'incliner : c’est un sans faute.