Quatrième album, quatrième mois... Enfant du Sud, la saison idéale s'étend de mai à fin août. C'est dire si avril est une transition difficile, l'humeur s'y fait languissante. Le cas de la fille d'avril est particulièrement épineux, un peu comme pour Laurent VOULZY, notre précieux Lolo. Redevenu discret depuis ses coups de maître du début des années 90 en solo ou en compagnie d'Alain SOUCHON, il voit sa patience récompensée en 2001 (pour une confection débutée six ans plus tôt !) grâce à cette nouvelle chanson qui passe régulièrement sur les ondes.

"La Fille d'Avril", idée tardive et ultime du processus d'écriture, est une chanson adorable dans la bonne tradition VOULZY-SOUCHON, ballade folk hippie nostalgique dont le texte conserve la fragilité de l'écriture du rouquin. La recette fonctionne toujours, de même que sur "Mary Quant", hommage aussi coquin que mignon à cette grande dame qui a raccourci les jupes des filles au début des années 60, troublant Lolo et ses copains, favorisant la révolution sexuelle... Un beau sujet et joliment traité !

VOULZY chante des thèmes vraiment personnels sur ce disque, quitte à écrire les textes lui-même, comme sur la biguine "Amélie Colbert", personnification de ces autres filles moins jeunes de Guadeloupe, sages grands-mères que tout le monde aime là-bas et qui incarnent une époque "pas si révolue". Le texte est touchant, plus que la musique, et malgré le concours de pointures comme les frères Fanfant : on préfère cette couleur traditionnelle sur d'autres morceaux.

L'album précédent avait démontré l'intérêt sincère de l'artiste pour des couleurs bretonnes-celtiques et une forme d'initiation aux mythes et à la spiritualité, de manière subtile. C'est un aspect qui sera développé de manière évidente sur ce disque et le suivant (le prochain vrai original, dans longtemps !), particulièrement pour le final et d'abord avec "Jésus", chanson de solidarité. Pas de Bretagne ici, sauf sur un titre, "Le Capitaine et le Matelot", mélange improbable mais réussi de reggae et d'instrumentation médiévale (cromornes, bassons), entre TRI YANN et THE POLICE...

Avril est un album hors-époque, même si les gros moyens employés pour l'enregistrement offrent des repères. VOULZY se refuse à employer l'électronique simplement pour être à la page, alors il en saupoudre à sa guise, ça et là, sur l'ambiant "Jaguar" où il transforme une voiture en femme lui-même, avec ses propres mots, retrouvant SOUCHON ailleurs mais aussi la plage de Californie, les années 60 et les filles, vraies cette fois et toujours belles, pour le merveilleux "Slow Down". Avec cette lumineuse biguine, puis "Une Héroïne" et le riff de Rickenbaker caractéristique du guitariste VOULZY, les chœurs de Virginie Constantin, la batterie de Christophe Deschamps, on retrouve tous les éléments qui entretiennent l'affection du public, inchangée depuis près de vingt ans.

Ce quatrième disque tient autant de Caché Derrière pour les sons et l'âme que de Bopper en Larmes pour la diversité des styles abordés ainsi que le retour à un caractère expérimental. On peut le ressentir sur "Jaguar", au tout début de "Slow Down" (ce crescendo !), et de manière encore plus poussée sur le pavé final de l'album, cette tuerie psyché-prog appelée "I Want You". Longue de treize minutes, ce qui peut facilement paraître un délire incompréhensible aux yeux du grand public est une composition de grande qualité avec une progression limpide, un enchevêtrement de thèmes obsessionnels liés au titre choisi, souvent planants et latents, parfois nerveux dans un registre hard-rock, des chœurs mystiques, des synthés et sitars... En bref, la face cachée (derrière) de VOULZY.

Malgré toutes ces qualités, on ne peut s'empêcher d'émettre quelques réserves. À titre personnel, il m'aura fallu... quatorze ans pour écouter ce disque en entier. Les craintes liées aux singles se sont révélées sur la longueur de l'album, pas toujours passionnante et manquant peut-être de tubes forts comme ont pu l'être les précédents. En dehors de quelques efforts qui laissent perplexes, "Quatre Nuages" en premier, les chansons attendues – on ne parle donc pas de "I Want You" ! - sont bonnes ou très bonnes, mais ne se démarquent guère.

Le rythme d'ensemble (ou du moins pour les deux tiers) demeure calme et plaisant, la réalisation est aérée et propice à l'évasion, un choix que l'on retrouvera sur la fournée 2006. Avril est en fait l'album qui reflète le mieux cette image d'artiste sympathique et attachant que le public conserve de VOULZY avant toute chose, l'antillais qui chante la mer, les filles et qui amène le soleil, jusque sur ces photos magnifiques signées Jean-Baptiste Mondino (sa fille pose au recto de la pochette).