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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  B.O FILM/SERIE

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- Style : Glenmor, Hubert Felix Thiefaine , Bernard Lavilliers

Léo FERRE - L'albatros (mocky) (1971)
Par MARCO STIVELL le 6 Mars 2023          Consultée 941 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Quand Jean-Pierre Mocky fait du noir, il le fait à moitié (ou disons aux trois quarts), et c'est bien quand même ! En 1970, le film policier Solo lui permet pour la première fois depuis les années 50 (hormis quelques rôles tertiaires et autres apparition fugaces précédentes) de redevenir acteur pour apparaître devant la caméra qu'il supervise lui-même. Il tient donc le rôle principal dans ce film très inspiré par mai 68, et qui peut apparaître comme son plus anarchiste, avec une réflexion réelle sur le mouvement. Toujours jeune premier malgré ses 40 ans bien sonnés, il joue un escroc globe-trotteur rentré en France pour protéger son jeune frère qui dirige une bande responsable de meurtres et d'attentats dans les classes hautes. Ce très bon film surprend par son côté tragique saupoudré de légèreté façon Mocky, et se passe en grande partie la nuit, partant de Paris sur le plan narratif pour s'étendre aux régions est (Reims) mais aussi la Belgique (Anvers pour le tournage).

L'Albatros lui fait directement suite, un an plus tard en 71, dédié à l'ami Bourvil décédé entretemps et qui devait y figurer. Mocky garde la vedette, reprenant la couleur tragique et nocturne presque intégrale en s'éloignant déjà un peu de mai 68. Il tourne en Lorraine, le long de la frontière allemande (Sarreguemines) avec des prises de vue en Alsace. Deux films très semblables donc, et pourtant différents, puisqu'il est question ici d'un simple manifestant que la police a arrêté 'par défaut' et qui tue un CRS en se défendant. Évadé, il veut passer en Allemagne, mais les complications l'amènent à... capturer la fille du Président, alors en tournée de réélection, et la garder comme otage le temps de s'exiler. Au début farouche, elle se laisse finalement apprivoiser (voire plus si affinités) et va même l'aider. C'est donc, avec ses propres réflexions et restes de violence juvénile révoltée, un film sur le syndrome de Stockholm, au vitriol concernant les magouilles politiques (entre le Président et son opposant principal), sans oublier la police bien sûr. Et, tout simplement, un des meilleurs films de Mocky voire du ciné-club français, indispensable !

Surtout que, enfin, on a une BO digne de ce nom, et ce n'est pas peu dire quand on sait qui est derrière : Léo FERRÉ, le seul, l'unique. Ayant aimé Solo, le film précédent (dont une certaine Françoise HARDY avait réalisé une partie des décors !), le poète anar chanteur et chef d'orchestre prend la place de Georges MOUSTAKI. Pour sa seule bande originale de film, en dehors de quelques courts métrages, parue sur disque en 45 tours, il met un grand coup de frein à sa créativité pour se concentrer sur l'essentiel. Le grand Léo avait déjà, en 1967, interprété "L'Albatros" sur son double album-hommage à Charles Baudelaire, en duo avec une chanteuse qui faisait des vocalises. C'est ce poème et cette adaptation qui, d'une certaine manière, inspirent le film pour son titre et sa BO, là encore une des meilleures de la filmographie dont nous parlons.

Trois thèmes sont proposés en single, pour une durée moyenne d'1 minute 30 à peine. Pourtant, quelle grâce, quelle splendeur épique, de surcroît avec des variations ou des alternances bien exploitées, un sentiment d'urgence moins présent, choses dont Mocky n'est guère coutumier ! Sur Solo, MOUSTAKI partait d'un bon sentiment, déjà 'morriconien' mais un peu plus hippie, avec sa mélodie très simple en vocalises, facile à retenir et qui ne justifiait alors pas tant de répétitions forcées au cours d'une heure et demie, gâchant vite le plaisir. Léo FERRÉ évite toutes ces erreurs. Sa musique est belle, peut-être plus encore parce qu'il la laisse sans paroles ; foi d'admirateur mais de loin, sans goût marqué pour son oeuvre contrairement à mon père, vrai fan de son vivant !

Le film s'ouvre, après deux plans en silence rapides, et se ferme - quasiment – avec des sons emphatiques de sirènes de prison, en pleine nuit. De quoi suggérer un résultat oppressant, du moins la première fois. La seconde, Mocky, s'inspirant d'un fait réel, profite de ses derniers instants de liberté et copule longtemps et voluptueusement dans un mirador avec Marion Game, l'actrice jouant la fille du Président (accessoirement, compagne de l'animateur télé Jacques Martin au même moment), en lieu et place de... Jane Fonda ! Tous deux sont visibles en ombres chinoises sous les projecteurs, au vu et su pour le moins admiratif des gardiens, des flics et de la foule massés en bas, de part et d'autre des fortifications. Une fin originale, et un ensemble de sons qui peut faire partie de la BO, caractérisant le film et son rythme haletant en toute simplicité.

Cependant, nous sommes vite rattrapés par le talent de monsieur FERRÉ, y compris à se conformer. Dès les premiers pas de Mocky s'évadant en pleine forêt frontalière, poursuivi par ses geôliers, la voix puissante du Maître résonne tel un cri éperdu dans la nuit d'automne-hiver, accompagné par un arpège de guitare acoustique fin et valsé. Le ton est donné, y compris celui de la fin, avec tristesse mais élégance. Le destin brisé du protagoniste rejoint celui de sa prisonnière, et s'élève alors auprès de lui la voix de Danielle Licari, une des meilleures choristes (directrice de chorale même) de la chanson française. Ce duo humble mais de caractère, uni dans la noirceur, le tourbillon ternaire qui, rythmiquement, est aussi celui du compte à rebours avec ses moments de suspension. Pour ne pas dire de silence parfois, entre autres celle où Game manque de se faire violer par des bandits.

Pour les courses-poursuites en voiture dans la campagne alsacienne ou mosellane, le compositeur nous propose un thème symphonique-jazz reposant sur des bongos rapides, de grands élans de cordes et de trompette soliste qui 'slappe' régulièrement. De quoi magnifier un peu encore le tout, renforcer l'intensité dramatique et de façon régulière, puisque les thèmes alternent avec justesse tout le long (sauf peut-être la fin où la chanson est reprise juste avant le générique qui la réemploie comme un doublon). Il y a aussi, dans les rues de 'Burgshoffen', une variation où c'est le saxophone soprano qui prend la parole au-dessus d'un clavier. La richesse ici repose en partie sur le 'peu'.

En fait, cette BO aurait pu être encore plus développée, vu le nombre de petites idées que l'on peut glaner çà et là. La musique de fanfare (conduite par Bathélémy Rosso), au début festive, quand Mocky en cavale et Game se rencontrent, remplace tout slow qui apparaîtrait comme un choix facile, le temps d'une valse populaire dans une salle de fêtes. Rien de désagréable, au contraire, surtout que les cuivres reviennent plus tard avec douceur pour l'enterrement du policier dont Mocky s'était fait un deuxième otage temporaire, et qui s'est rebellé, au prix de sa vie. FERRÉ ajoute un chant d'église bref, une romance aux cordes lorsque la radio dans la voiture est allumée (encore plus brève, hélas), et même, pour une scène tendre dans le Prisunic vide en plein dimanche, un arpège survolé par un accordéon du plus bel effet. Des choses mineures, certes, mais qui ne font qu'accompagner à merveille ce bijou de Mocky et son ambiance particulière, avec une part féminine mieux marquée que l'année précédente.

Le scénario a été co-écrit avec Claude Veillot, complice du réalisateur Yves Boisset et qui travaillera plus tard sur le génial Vieux Fusil en 1975, ainsi que Raphaël Delpard qui, en 1980, sera à l'origine de la Nuit de la Mort, un des rares films d'horreur-gore français. L'Albatros, reconnu unanimement par la critique (des dires du principal intéressé : de tous bords, idem pour les partis politiques !), est aussi le dernier de Mocky à s'inscrire dans sa période à grands succès entamée en 67. Quant à Léo FERRÉ, c'est sans doute un aspect de sa carrière dont on parle le moins, à tort, même si inhabituel.

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   MARCO STIVELL

 
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- Léo Ferré (chant, arrangements, direction d'orchestre)
- Barthélemy Rosso (guitare, direction d'orchestre)
- Danielle Licari (chant)


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