Coup de théâtre au palais de GANDALF en cette année 1992 ! Si la précédente était vide de chez vide en termes de sorties, deux albums voient le jour pendant celle-ci. Le premier, Gallery of Dreams, a nécessité un soin particulier et devient rapidement le plus connu de son géniteur.

Ce n'est pas par hasard, car au moment de son élaboration, devinez qui entre en scène ? Steve HACKETT. Le seul, l'unique. Le Dieu de la guitare, harmoniciste virtuose, chanteur à la technique déjà plus modeste – quoique honnête -, compositeur riche et étonnant, ancien membre du plus grand groupe de l'histoire de la Musique...

Pour cette collaboration, GANDALF s'en tient au "Dieu de la guitare" simplement, même si parfois au cours de cette petite heure exceptionnelle, on ne peut s'empêcher de remarquer une volonté consciente ou non de sonner proche de l'esprit GENESIS. C'est subtil, et cela reste une interprétation personnelle, mais certaines idées proposées auraient pu, avec un autre traitement, apparaître sur les albums A Trick of the Tail/Wind & Wuthering, ou alors le HACKETT fin 70's.

Même, il suffit d'écouter le premier titre "Face in the Mirror" (dont le clip montre notre Steve dans son costard de scène de l'époque), son groove totalement inédit pour du GANDALF et les conversations des deux guitaristes sur fond de trompettes-synthé. Entendre dans un tel univers cette Gibson Les Paul toute en feedbacks et en notes de tapping qu'on connaît bien, quel aubaine ! On imagine ce qu'aurait pu être la suite de la confrontation musicale entre Steve HACKETT et Tony BANKS, si elle avait duré... En tout cas, pour du rock instrumental avec une touche prog glorieuse, c'est de qualité !

HACKETT, qui n'est pas un simple invité, au contraire presque totalement investi dans le projet, s'emploie ici aux guitares classiques et donc bien sûr, à l'électrique. L'ami Heinz n'étant pas un manchot, on les démêle, on s'amuse à les différencier, et le résultat n'est certainement pas moindre qu'au moment de GTR avec Steve Howe, même si on parle là d'un tout autre genre.

Car GANDALF, c'est d'abord de la new-age, un truc ennuyeux pour de nombreux mélomanes, mais qui puise ici une certaine force dans quelques rythmes bien pensés et des mélodies soignées, plutôt évidentes, même quand HACKETT ne joue pas. "Willowman-Watcher of the Waters", par exemple, en cinq minutes à peine, renferme plus de beauté et de magie que la plupart des disques de l'Autrichien à ses débuts. La base piano-claviers est enrichie de hautbois et de flûtes envoûtants.

C'est presque un album de chansons, en somme. Instrumentales, évidemment, même si pour la première fois depuis la rupture avec Pippa/Galadriel, une chanteuse fait son apparition. Tracy Hitchings, des groupes prog QUASAR puis LANDMARQ, apporte beaucoup de profondeur et de dynamisme à la ballade féérique "Gallery of Dreams", par son chant fragile et passionné.

Pour le reste, le peintre GANDALF nous offre de beaux paysages musicaux, parfois courts et dont les images nous ramènent inévitablement au Seigneur des Anneaux. "Choir of Elves", "Alone Again" et "Song of the Unicorn" renferment des mélodies répétitives, mais belles et lumineuses. On erre dans des forêts anciennes, quelque part entre la Lòrien et Fangorn... "Winged Shadows", votre passe pour la cour du roi sylvestre, prend le temps de développer son ambiance avec les trompettes-synthé de nouveau, ainsi que des soli de Minimoog kitschounets ce qu'il faut, en tout cas inspirés.

"Between Different Worlds" constitue un bel écho à "Face in the Mirror", de même que les magnifiques "Lady of the Golden Forest" et "End of the Rainbow" se complètent avec un thème de guitare classique et classieux made in HACKETT, romantique forcément. Entendre sa guitare en roue libre sur le méditatif et cristallin "Another World" reste un bonheur à l'état pur... La touche HACKETT se marie complètement à une musique aussi aérienne et passionnée.

Par sa qualité constante et la conjugaison de deux talents forts, Gallery of Dreams n'est pas un chef-d'oeuvre sans doute, mais l'un des meilleurs de Heinz l'Autrichien, ça c'est sûr ! Ce disque aura quelque part aussi le mérite de redonner un souffle à la carrière d'HACKETT, incertaine et bancale depuis presque dix ans. Le travail présent l'inspirera d'ailleurs pour ses duos avec le claviériste Aron Friedman et l'excellent album Guitar Noir.