Difficile de faire plus racoleur et outrageusement commercial que la compilation parue en 1976 et rassemblant presque tous les singles des EAGLES sortis entre 1971 et 1975, soit des morceaux présents sur les quatre albums studio du groupe alors parus, à savoir Eagles, Desperado, On the Border et One of These Nights. En y regardant d'un peu plus près, c'était inévitable, et il est même surprenant que la maison de disque des Aigles, Asylum, ait attendu aussi longtemps. Un groupe qui vend ses albums par dizaines de millions, avec des chansons taillées pour la radio qui incorporent country, rock et folk, soit les genres les plus populaires aux USA : comment résister à une telle poule aux œufs d'or ?

La tracklist semble avoir été le fruit d'un malheureux hasard. Nulle trace d'ordre chronologique qui aurait au moins eu le mérite de montrer l'évolution du groupe, ni de regroupement thématique qui aurait pu brosser un portrait cohérent des diverses influences du quintet. Les morceaux semblent avoir été placés au petit bonheur la chance, passant sans transition du soft-rock grandiose de "Take it to the Limit" à la country intime de "Peaceful Easy Feeling", et du rock d'"Already Gone" au piano de "Desperado". L'ordre des titres n'enlève certes rien à leur qualité intrinsèque, mais il est clair que la seule priorité de la maison de disques a été de surfer sur la vague du succès toujours grandissant des Aigles. Évidemment, les musiciens n'ont eu aucune influence sur le résultat final qui se contente de rassembler les singles ayant le plus grimpé dans les charts, sans considération ou presque pour le reste des albums (l'exception étant "Desperado", devenu entre-temps un classique du groupe en concert).

Que dire en effet du choix de "Best of My Love" pour représenter On The Border ? En lieu et place de cette ballade insipide et peu inspirée, "Ol' 55" ou même "My Man" auraient fait bien mieux l'affaire. De même, nulle trace de classiques comme "Doolin-Dalton" ou "Hollywood Waltz". On ne peut que rêver d'une compilation intelligente qui aurait rassemblé les meilleurs morceaux du groupe en fonction de leurs influences, créant ainsi un voyage à travers les divers genres de la musique américaine, à l'image de l'excellent Manassas de Stephen STILLS.

Pourtant, et malgré ses défauts, la compilation est un succès commercial retentissant, aujourd'hui estimée comme le deuxième album le plus vendu au monde, rien que ça. Nul besoin d'autre preuve pour démontrer que les Aigles sont devenus, en cette année 1976, le groupe numéro un en Amérique, aussi bien grâce à leur talent pour mélanger les genres favoris du public que celui de leur label pour les promouvoir. Heureusement, se profile à l'horizon un chef-d’œuvre absolu qui effacera bientôt tous ces mauvais souvenirs et réhabilitera définitivement les EAGLES comme des musiciens au talent immense.