C'est la maman d'Andy Warhol, photographiée par son capillaire fiston, qui introduit la quatrième oeuvre de l'artiste poète New yorkais Louis Hardin, plus connu sous le nom de MOONDOG. Vous me direz : "Comment un aveugle peut-il imaginer avec efficacité la teneur d'une couverture de disque ?" Bien sûr, bien sûr... Sauf qu'avec notre énergumène, rien ne semble impossible. D'ailleurs, sa carrière se poursuit, malgré l'adversité, malgré la solitude, malgré les difficultés financières et un choix de vie parfaitement assumé et revendiqué. Lui n'en a rien à battre de ce que les gens pensent de son look. Et la puissance de sa personnalité va donc à nouveau s'exprimer via ses percussions si originales.

La quatrième livraison de celui qui commence à être connu comme le viking de la cinquième avenue ne déroge pas à la règle. Il y a à nouveau du classique dans l'air. Voyez plutôt cette ouverture sur le terrain de chasse de MOONDOG, sur Broadway; au beau milieu du bruit des voitures qui croisent à quelques mètres, le rythme trépidant de la trimba croise le velouté des cuivres, dans une ode superbe swing jazzy en deux parties dont l'une le dispute à l'autre en termes de qualité. C'est "Up broadway", nommée comme il se doit. Alors certes, les versions tardives seront sans-doute mieux produites, mais nous tenons là un instantané fabuleux de l'art du natif du Kansas.

On soulignera plus loin la classe de 'Improvisation" qui connaîtra elle aussi une postérité à la hauteur. Le dramatique y atteint une intensité étonnante, on y retrouve MOONDOG seul au piano dans cette pièce éminement classique et c'est juste superbe. A noter aussi la première mouture de "Organ rounds" que vous risquez aussi de reconnaître, non ce n'est pas du BACH. Bien sûr, la trimba vous le confirme, allons donc ! Comme à l'accoutumée, la production n'est pas au mieux, mais peu importe, le talent est là, tellement énorme.

Pour le reste, nous avons droit à des titres de percussions, et j'avoue n'avoir que peu d'intérêt pour les pièces à inspiration asiatique telles "Duet" ou "Perpetual motion". En revanche, les éléments amérindiens qu'on retrouve notamment sur "Wildwood" où une jolie flûte accompagne la trimba et rappelle à l'auditoire d'où vient l'art de MOONDOG : du jazz amérindien - d'après le principal intéressé -. Le Pow wow de "Trimbas in quarter" et la profession de foi musicale qu'est "Moondog theme" dans laquelle un chien loup hurle à la lune.

Dans la droite lignée de ses trois précédents opus, cette "histoire de MOONDOG" est toute aussi importante que les autres. Ce disque va marquer le début du long hiatus de la carrière de l'artiste qui rentre alors pleinement dans sa période "Viking de la sixième avenue". Il va abandonner le style
vestimentaire "Missionnaire religieux" car il en a ras-la-casquette des comparaisons avec Jesus et va dorénavant arborer un sémillant look de viking casqué qui va évoluer au fil des ans jusqu'à devenir celui des photos que tout le monde connaît. Il devient alors une attraction touristique de premier plan, et la plupart des gens ignorent que ce géant aveugle déguisé en viking est aussi un éminent compositeur de jazz, de musique classique et de chansons. La légende est en marche.