Je n'attribuerai pas souvent les cinq étoiles à quatre albums consécutifs d'un artiste. Ceci pour dire à quel point je considère cette première partie de la carrière de Camel comme extraordinaire. Quel dommage que leur affiliation au rock progressif intègre s'achève ici. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas encore réussi des choses ensuite, mais il y a quand même une rupture nette après Moonmadness, à laquelle j'ai beaucoup de mal à adhérer.

Enfin bref. Sur cet album-ci, le son est assez prodigieux. Peter Bardens était vraiment devenu un bon manipulateur de synthés. Après l'aventure instrumentale du précédent, on retrouve une base plus rock, avec juste une flûte très «progressive» et des sons électroniques omniprésents, donc. Rien n'est parfait, et je reprocherai à Moonmadness une certaine diminution de la qualité mélodique. Le cas le plus flagrant étant «Song within a song», que j'ai toujours trouvée assez insipide, sa fin étant vraiment pauvre. Fort heureusement, le gros de l'album est très satisfaisant, faisant de son écoute un moment très agréable. D'ailleurs, si je considère Mirage comme une meilleure performance, j'avoue écouter Moonmadness plus souvent, car j'aime son ambiance feutrée et son homogénéité.

Notons qu'il y a tout de même trois instrumentaux, presque la moitié de l'album. L'habitude du groupe, en somme, le chant n'était qu'un prétexte aux développements musicaux, c'est d'ailleurs sans doute une des choses qui m'attire particulièrement chez eux. La petite introduction, «Aristillus», est très réjouissante. «Chord Change» est superbe, malgré un passage central assez poussif. La façon dont la guitare sonne dans les passages rapides est magique, surtout à la fin. Enfin, «Lunar Sea» rappelle étrangement Tangerine Dream, en plus asymétrique et rock. Un des tous grands moments du groupe, en tout cas. Et elle forme un couple idéal avec la chanson qui la précède, la douce «Air Born». Notons encore «Another Night», dont la nervosité permet de rencontrer de superbes structures rythmiques.

Moonmadness est un monument, à écouter et réécouter, pour se perdre encore et encore dans cette ambiance merveilleuse somme toute assez unique. Si le génie est présent un peu partout sous diverses formes dans le rock progressif, il se rencontre chez Camel et dans ce disque en particulier sous une de ses formes les plus esthétiques.