Après un Chinatown un peu mitigé, et avant la triste et éblouissante dernière ligne droite de ce groupe légendaire, est paru Renegade, excellent album doté d’une pochette magnifique et dont la principale caractéristique est le grand éclectisme de son inspiration, ce qui a déconcerté certains fans et finalement nui au succès de l’opus.
Difficile de faire mieux pour démarrer que l'enchaînement de "Angel of Death" et "Renegade", titres splendides et parfaitement représentatifs du très large spectre musical du groupe.
Le premier morceau est une pure tuerie, un des plus Heavy et des plus sombres jamais gravés par les Britanniques, magnifié par les formidables claviers du jeune Darren Wharton, les riffs et solos dantesques de Scott Gorham et Snowy White, la fantastique dynamique de la batterie de Brain Downey, le tout au service de l’ange noir Phil Lynott au sommet de son talent dans une prestation épique et déchirante. Le second titre, beaucoup plus traditionnel pour le groupe, n’en reste pas moins exceptionnel, une véritable profession de foi pour Phil servie par un texte très émouvant sur une musique Blues-Rock d’une profondeur et d’une finesse incomparables et qui participe pleinement au récit (les arpèges de guitare en particulier sont magnifiques).
Après un tel début, le reste pâtît forcément un peu de la comparaison, même si tous les titres sont intéressants et d’une grande variété. Si "Leave This Town" a tout d’un classique dans le genre Rock’n’roll sautillant dont le groupe a le secret, certains titres sont de vraies surprises. "Fats" est un pur morceau de Jazz-Groove comme on devait en jouer par pelletées dans les pubs de Dublin, occasion pour Phil de nous montrer l’étendue de son talent vocal mais aussi de bassiste dans un tel registre, mention spéciale également au piano de Wharton et à l’impeccable ligne de batterie. "Mexican Blood" nous plonge dans un exotisme sombre, avec guitare classique, castagnettes et trompettes graves (ce qui n’a pas plu à tout le monde) avant que le talent du groupe emporte le morceau. "Hollywood" dispose d’un bon riff bien hard et d’un refrain très accrocheur, mais réserve quelques fantaisies vocales sur les chœurs (qui m’ont valu quelques échanges musclés avec des potes réfractaires aux Youcouu lancé par Phil en fin de morceau). "The Pressure Will Blow" est dans une bonne veine plus classique pour THIN LIZZY avec ses guitares harmonisées et son refrain plus agressif (à noter le lumineux passage musical avant le superbe solo) alors que "No One Told Him" est un titre également très plaisant, du Hard-Rock solide et accrocheur avec un bon refrain et un bon solo. Le dernier titre "It’s Getting Dangerous" vient joliment mettre un terme aux débats, avec son intro intrigante au tambour solennel et sa montée en puissance parfaitement orchestrée.
Renegade illustre parfaitement l’étendue et la grande variété de l’inspiration et du talent des ce groupe d’exception. Le disque a été mal compris, car pas assez 'catégorisé' à une époque caractérisée par la montée inexorable de la NWOBHM et le durcissement général du ton. THIN LIZZY montrera avec Thunder And Lightning que son groupe était parfaitement capable de monter dans ce train en marche et de s’y imposer comme leader. En attendant, redécouvrons les splendeurs de Renegade qui en vaut vraiment la peine.