La pochette du deuxième album de GWENDAL, réalisée par la Nantaise Claire Bretécher (alors en pleine transition de Cellulite à la série des Frustrés) participe, autant que celle du premier, à la renommée de Joe Cant's Reel. C'est le titre que l'on donne couramment à cet opus qui fait le bonheur des collectionneurs avides de pochettes vinyles en bande dessinée.

La formule instrumentale n'a pas encore réellement changé, GWENDAL reste un groupe folk breton qui décide quand même, après un premier disque très folk justement, de mettre l'accent sur ce qui fait sa spécificité parmi l'ensemble des formations similaires. Il s'agit bien entendu de ses accointances avec le jazz, voire free-jazz.

Le premier morceau ouvre les hostilités avec vigueur, basse qui joue un "walk" rapide sur un rythme boogie-woogie, et un duo de solos à la flûte traversière et au violon. Ca sonne très sec, on oublie vite l'empreinte folk du groupe pour avoir l'impression de se retrouver à New York. Miles DAVIS ou le fantôme de John COLTRANE font une jam dans le studio voisin. Les cinq Bretons veulent montrer combien ils les aiment et, en même temps, qu'ils ne sont pas en reste...

Pour sûr, ça fait d'emblée grincer des dents, du côté des puristes amateurs de musiques traditionnelles, beaucoup plus que sur le premier disque. Cependant et à son tour, le milieu jazz peut souvent s'attribuer ouvertement une supériorité intellectuelle, à l'égard de la musique du terroir en particulier. Du moins, une fois sorti de l'Afrique, de l'Amérique Latine, de l'Europe de l'Est et de l'Asie ; les musiques celtiques quoi...

L'un dans l'autre, on a de la difficulté à suivre l'esprit foutraque du groupe ici, notamment pour certains morceaux d'inspiration jazzy qui peinent à convaincre. C'est le cas de "Benoit", malgré une mise en avant de Roger Schaub à la basse qui retire la vedette à ces fous furieux de Bruno Barré et Youenn Le Berre, ainsi que du final "Coucou Migrateur".

À l'inverse, lorsque le groupe retrouve ses racines folk celtiques avec intensité, c'est un pur bonheur : "Galway Hills", avec son rythme de guitare électrique funky tandis que Patrice Grupallo introduit la batterie dans l'univers de GWENDAL et que Youenn Le Berre emploie fièrement la cornemuse écossaise.

Ce disque vaut au moins pour quatre morceaux, dont celui-ci. La fusion des rythmes et solos jazz avec la musique bretonne atteint de jolis sommets sur "Cristal Palace" et "Rue du Petit Musc". Et puis il y a "Douze Degrés", morceau de bravoure. On remarque avec un tel titre l'amour du groupe pour "les bonnes choses de la vie", version tire-bouchon et terroir français, justement. Un autre point commun aux jazzeux (contraste saisissant avec leur sérieux habituel !) et aux folkeux, ce sont des bons vivants ! Alors les deux à la fois...

Le morceau est consistant, du haut de ses sept minutes, il enchaîne trois grandes parties. Le climax de l'originalité, pour une formation bretonne à l'époque encore une fois, c'est bien cette partie centrale où, en connivence avec le violon une fois de plus, Youenn Le Berre mouille son saxophone comme pour nous faire comprendre qu'il ne compte pas s'arrêter là ! La fin est plus douce, preuve qu'au-delà de l'humour et de la virtuosité, GWENDAL maitrise aussi parfaitement ces ambiances.

Ce n'est pas l'album que l'on ressort le plus souvent, mais Gwendal 2 alias Joe Cant's Reel à de quoi se défendre. Comme chacun des albums du groupe en fait ! Pour le suivant, ça ira encore plus loin et ce sera avec un autre dessinateur célèbre.