Formé à l'automne 1972, GWENDAL est une réunion de musiciens bretons aux goûts différents, mais qui se retrouvent au moins dans leur passion pour la musique celtique et leur envie de jouer ensemble autant que partager. Si l'on ajoute un niveau professionnel, toutes les clés sont en main pour triompher en ces années fastes où la Bretagne rayonne sur le terrain artistique.

Néanmoins, et dès le départ, GWENDAL tient à se démarquer de ses pairs, ce qui reste tout à son honneur. Sous des airs de groupe folk celtique à l'esprit résolument instrumental et irlandais, les musiciens sont des virtuoses qui ne peuvent contenir leur attirance pour le rock et, de manière plus surprenante à l'époque, le jazz.

Tandis que Jean-Marie Renard, fondateur et manager du groupe, assure un rôle rythmique efficace à la guitare, Roger Schaub propose des lignes de basse à la fois rythmiques et mélodiques très présentes, elles aussi en soutien toutefois. Le violon de Bruno Barré se couple naturellement avec la mandoline de Patrice Grupallo (également aux percussions), tandis que Youenn Le Berre apparaît d'ores et déjà comme l'élément le plus « indépendant » de la formation.

Au départ, le groupe s'appelait Soporific String Band, en hommage cocasse à l'« incredible » groupe anglais, mais la maison de disques lui demande d'opter pour un nom plus breton et mieux vendeur. Le premier album, publié en 1974 chez Pathé Marconi, demeure, encore aujourd'hui, l'un des plus grands succès de GWENDAL. Il le doit en partie à cette pochette typique des années 70, clin d'oeil aux formations britanniques, avec le géant sonneur chaussé de bottes de sept lieues.

Dès l'introduction de ce premier album sans nom, le ton nous est donné avec cette « Irish Jig » à la rythmique marquée sur laquelle la flûte et le violon virevoltent. Tout amateur de musique irlandaise peut aisément trouver son bonheur, d'abord avec ces titres simples, ces danses fort communicatives ainsi que la présence d'une ballade unique : la « Sopo Song » (quel humour !).

Si GWENDAL se restreint encore quelque peu à l'essence acoustique de sa formation, c'est pour mieux satisfaire son envie de diversifier le propos, entre folk, jazz et « rock acoustique ». Ce premier album est aussi l'occasion de visiter quelques styles propres aux musiques traditionnelles française et américaine, par des morceaux souvent courts mais charmants, quoique légèrement en deça des autres, orientés musique celtique.

On trouve aussi quelques traditionnels bretons dont cet excellent « Deutu Ganeme » où les musiciens révèlent leur virtuosité et n'hésitent pas à faire quelques citations brèves, Bach pour la musique classique en priorité. Dans cet univers point trop sérieux, la guimbarde résonne la moitié du temps, tandis que les éléments jazz, free-jazz même, ressortent déjà dans les soli de Youenn Le Berre, à la bombarde sur « Planxty-Birke » ou au saxophone ténor, marque d'originalité totale bien cachée, réservée pour le final « Irish Song ».

Certains puristes n'apprécient guère ces extravagances, et ce dès le départ. Mais si l'on sait que GWENDAL sont des musiciens virtuoses, et que son penchant délirant n'est point un argument rédhibitoire à première vue, on se laisse facilement conquérir par ce qui reste, malgré son succès à l'époque, l'un des groupes emblématiques de Bretagne à redécouvrir de toute urgence ! En outre, ce disque introductif propose une formule acoustique qui aide à mieux aborder le genre.