Alors qu’il vient tout juste de sortir 2 disques l’année précédente, LA SOURIS DEGLINGUEE enchaîne sans perdre de temps avec ce qui sera son troisième album en moins de 20 mois. Au regard de l’urgence et de la frénésie qui s’emparent du groupe, il n’est pas surprenant de constater que ce nouvel opus s’inscrit dans la continuité de ses deux devanciers. Et ce, que ce soit en termes de compositions comme en termes de tonalité. En effet, si le son s’épaissit et se muscle un peu, LSD œuvre toujours ici dans un univers rock très rugueux.

L’entame de ce Aujourd’hui Et Demain, avec un "Dernier Pogo à Paris" au son brouillon et à l’énergie difficilement canalisée, laisse d’ailleurs craindre que le groupe s’entête dans la formule de leur précédent forfait, à savoir un rock abusivement viril et surtout plombé, de manière un peu trop systématique, de chœurs Oï ! Mais si la filiation avec les 2 premiers disques est bien réelle (la quasi-totalité des 7 premiers morceaux date des débuts du groupe), le groupe commence à s’affranchir de ce format, notamment par le biais du chant. En effet, Taï LUC retenu par ses obligations militaires durant une partie de la conception de l’album, Jean Pierre, Rikko et Jean Claude se saisissent du micro respectivement sur "Détachement FR 79" et "Jeunes Voleurs" pour le premier, "Pourquoi" et "Que Vont-Ils Devenir ?" pour le bassiste, et "Maximum Swing" pour le dernier. Cela amène une fraîcheur et une diversité qui enrichissent de manière très heureuse le son des rongeurs urbains. Et cette évolution est générale car, au surplus, le chant de Taï LUC commence à s’émanciper de l’agressivité excessive qui pénalisait "Une Cause A Rallier". Son chant tendance 'Pitbull susceptible' laisse parfois la place à un peu plus de nuances. Ainsi, si le véloce et fougueux "Maximum Swing", scandé par Jean Claude, est l’occasion de voir LA SOURIS en plein exercice de dynamitage du rock'n'roll, des titres minoritaires mais ô combien importants pour l’oxygénation de l’album, permettent de voir le groupe s’adonner à d’autres univers. On voit ainsi apparaître des ambiances ska avec "Jeunes Voleurs", ou bien la chanson traditionnelle avec la version allemande de "Lilly Marleen" interprétée par Eliane de Nancy, « la copine d’une copine », alors que Catherine RINGER était, un temps, pressentie. Au regard de la réputation déjà sulfureuse du groupe, il n’est pas certain que le choix de ce titre, alors interprété en live depuis 18 mois, soit des plus judicieux. Toujours est-il que cela nous donne à écouter un groupe qui commence à s’affranchir de son côté un peu trop unidimensionnel.

Mais l’empressement ayant prévalu à la réalisation de cet enregistrement se fait un peu sentir et cet album, comme son prédécesseur, a un léger goût d’inachevé, d’urgence pas toujours bien maîtrisée. Ce Aujourd’hui Et Demain clôt l’ère de l’innocente violence de LSD. Et s’il comporte quelques brûlots de rock'n'roll sauvage et corrosif qui font encore mouche aujourd’hui, à l’image de "Jeunes Voleurs" ou "Partie De La Jeunesse", il ne fait qu’augurer la richesse dont fera preuve le groupe par la suite.
La dernière étape d’un triptyque qui correspond à la genèse bouillonnante de LA SOURIS DEGLINGUEE.