Sur leur premier album, Boingo était dansant mais terriblement sarcastique. Le second était la révélation : plus pop, plus mélodique, mais toujours décalé. Troisième sortie en trois ans, Good For Your Soul est encore un pas en avant, mais cette fois pas la peine de vous ingurgiter tout l'album pour savoir où on en est : dès les neuf, je dis bien : NEUF premières secondes, on sait qu'on a affaire à un album drôle, rythmé, décomplexé, dansant et plus accessible sans perdre son identité. Ouais, neuf secondes, c'est à dire moins que pour lire ma phrase. Petit riff de guitare prenant, cri d'Elfman, cuivres pleins de peps : Who Do You Want To Be est un brûlot mélangeant la frénésie du ska et l'accroche du rhythm'n'blues, le tout mélodiquement pop. Du Boingo : inclassable, fou.

Par rapport au disque précédent, Good For Your Soul est un peu plus minimaliste, allégé, et surtout plus gai. Bien que les sujets traités soient parfois sombres, il règne sur ce disque un vent de légèreté, comme dirait Zaz. Les claviers de Richard Gibbs se font moins omniprésents, plus facétieux (le riff enfantin du morceau-titre, les lignes mélodiques entêtantes et simplistes du semi-nostalgique Pictures of You). Métronomique et entraînant, Johnny "Vatos" Hernandez drive l'album avec panache - il a même droit à son propre titre, un foutoir tribal un peu trop autoindulgent mais dont la folie finit par convaincre. De plus en plus sûr de lui, Steve Bartek maltraite sa guitare d'une façon qui ne plairait pas à la WWF. Et les cuivres trouvent toujours leur place, en particulier sur le paranoïaque Wake Up.

Elfman, quant à lui, essaie des choses, évite de tourner en rond (sauf, très consciemment, sur Little Guns qui aurait pu figurer sur Only A Lad). Il livre des tubes qui sont encore en gestation, prenant toute leur dimension en live : No Spill Blood (où il se prend pour Armand Assante dans Demolition Man) et Dead Or Alive, deux énormes classiques Boingesques. Il s'essaie aussi à des styles un peu plus classiques, tout en conservant quelques particularismes : le reggae enfumé de Fill The Void faisant passer Doc Gynéco pour Matthew Bellamy, et la country punk avec un étonnant Sweat, pleine d'énergie, de vachettes prises au lasso et de bière bien trop tiède.

Si l'album n'a pas l'excellence de son glorieux aîné, avec deux titres en-dessous du seuil habituel de qualité (qui est très haut !), il se montre agréable et digeste notamment par la variété des tempos, les emprunts à des styles reconnaissables, et puis donc cette espèce de fausse bonne humeur curieuse mais palpable qui fait dériver le groupe, tout doucement, vers des rivages pop. Une pop alternative, un peu furieuse par moments, mais appréhendable par nombre d'auditeurs pourvu qu'ils ne soient pas totalement frigides. Le groupe continue de faire des clips, d'intéresser les radios étudiantes, et surtout de délivrer des concerts fougueux qui asseyent sa réputation. Good For Your Soul est un bon album de transition, une récréation à s'offrir en guise de pause chocolat, et plutôt deux fois qu'une. Et plutôt deux fois qu'une.