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CHANSON FRANCAISE  |  STUDIO

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Patrick BRUEL - Entre-deux (2002)
Par BAKER le 26 Novembre 2018          Consultée 1420 fois

Pendant sa tournée pour l'album Juste Après, entre quelques tubes pop mignons et un "Tout s'efface" d'anthologie, Patrick BRUEL essaie un petit tour de passe-passe avec son public - vous savez, LE public le plus connu de France, celui qui a effacé la touche i de tous les claviiiiiiiiiiiers). Béret sur la tête, toute musette dehors, il livre un medley de chansons populaires d'entre-deux guerres (...les mondiales, pas celle des boutons, celle-ci a été gagnée par Eau Précieuse à la bataille de la Place des Grands Hommes). C'est une réussite : toute une génération découvre des titres dont elle ne soupçonnait pas l'existence, et comme c'est Patrick qui les chante, bah, forcément, c'est bien !

Ouh le vilain ! Quel procès gratuit : non, c'est vrai que pour le coup, c'était vraiment sympa. Ca permettait de faire perdurer une certaine idée de la chanson française, comme la défendait tant feu Pascal SEVRAN (vous vous rappelez, ce brave garçon qui trouvait qu'on ne passait pas assez de chanson française à la télé tout en animant une émission QUOTIDIENNE pendant DIX-SEPT ANS). Ca permettait aussi de faire devoir de mémoire sur cette partie de notre histoire qu'on a un peu tendance à oublier, et notamment musicalement. Oui, tandis qu'outre-Atlantique le blues naissait et le jazz envahissait les rues, nous avions nos flonflons et nos bals musette. Et qu'on aime le genre ou pas, il s'agit d'un pan important de notre culture dont la défense était, est toujours, appréciable.

Mais voilà, ce ne sont pas des idées, aussi louables soient-elles, que l'on chronique dans ces pages, mais le résultat brut. Et pour Entre-Deux, le bilan est nettement moins positif que ce quart-d'heure festif qu'offrait BRUEL à son public. Pour de nombreuses raisons, mais déjà une évidente : nous ne parlons plus d'un quart-d'heure, mais de 80 très longues minutes, 24 titres : 23 plus un inédit de fin, composé dans le style de l'époque et, pour être franc, loin d'être le plus mauvais du lot. 23 classiques des années 30, certains tirés de films cultes, d'autres d'artistes plus ou moins connus, le tout avec des arrangements supervisés notamment par l'excellent batteur Régis Ceccarelli et le guitariste magique Jean-Mi KAJDAN. On rajoute de nombreux invités et il n'y avait pas de raison que ça rate.

Sauf que ça rate. Et parfois dans les grandes largeurs. Dire que deux millions de gens ont acheté cet album laisse pensif : l'ont-ils réellement écouté ? Si oui, apprécié ? En entier ? Question pertinente, car il faut avouer que ça part bien. Gros tube qui détonnait en 2002 entre un LARUSSO et un INDOCHINE, "Mon amant de Saint-Jean" est peut-être le meilleur titre. BRUEL se l'est approprié, les arrangements de cordes sont somptueux, le backing band est délicat, c'est suranné, assez entraînant. Pour vérifier que la machine est bien lancée, le premier duo n'est autre que "Ménilmontant", avec AZNAVOUR qui malgré une certaine faiblesse abat un bon boulot, et un groupe toujours efficace.

C'est juste après que ça se gâte, et le nombre de chansons ratées devient exponentiel. Alors certes, votre serviteur n'est pas particulièrement amateur du genre et de l'époque ; mais il faut reconnaître la différence entre une mauvaise chanson et une mauvaise interprétation. Or, ce disque est tout simplement lénifiant, les trois quarts du temps. Les chansons dynamiques ne le sont plus, BRUEL chantonnant d'une voix blanche, sans gouaille, sans piment, sans vie. "Ma poule" par exemple, où sont les gros seins les gros culs comme chanterait si bien SOUCHON ? "Vous qui passez" : si BLACK SABBATH faisait de la valse gouaillante prépompidolienne à tendance suicido-sociétale, ça donnerait à peu près ça. Et que dire de "Je suis dans la dêche"... où est la douleur ? la solitude, la peur ? BRUEL qui chante "dans la dêche", c'est David Lee ROTH qui chante "Real Emotional Girl", c'est Mikael Akerfeldt qui chante "Mamma Mia".

Plus grave, si le chant plombe l'ambiance plus souvent qu'à son tour, les musiciens s'effacent à mesure de l'album, un album qui confond minimalisme et vide sidéral, et qui parfois veut faire du zèle en se plantant royalement : le synthé (?) de fin du "Bord de l'eau", le mono crachouillant avec boite à rythme (!) sur "Ramona", l'orgue de barbarie sur l'inévitable "Romance de Paris", qui fait immanquablement penser à Xavière Tibéri chantant "Saint-Jean de Paris"... Entre les chansons tristes creuses comme des coquillages et les up-tempos chantés par un VRP de Laryngitus Incorporated, l'enquillement des chansons est fatal, car oui, ce disque est long, très très très long.

Pire encore : les duos. Il y a du bon. RENAUD qui s'amuse (et nous aussi) sur la joyeuse "Comme de bien entendu", et JOHNNY, qui atomise, humilie BRUEL côté présence et swing - et encore, sent-on que le Taulier se retient. Il y a du moyen qui passe, comme CABREL qui se montre très sobre sur la "Complainte de la butte", ou Danielle DARRIEUX, très classe bien que le duo ne fonctionne pas, sur le joli classique "A Paris dans chaque Zone Prioritaire de Réhabilitation du Tissu Social" (pardon... on dit faubourg). Et puis, fatalement, vous avez les ratés. Et ils condamnent définitivement cet album à la catégorie des disques à éviter.

On ne fait pas chanter "Que reste-t-il de nos amours" à un Laurent VOULZY amorphe lorsque huit ans auparavant, Eddy MITCHELL l'a fait swinguer façon puzzle. Avec Lolo suave et sans vibrato, on se croirait au Brésil, et pas à Paris. Mettons au Bois de Boulogne pour faire mi-chemin. On ne fait pas chanter "Tout le jour toute la nuit" à la pop-crooneuse japonaise Kahimi KARIE sous prétexte qu'elle aime Paris : le résultat est une parodie de BIRKIN version fainéante. On ne fait pas chanter le "Temps des cerises" à GOLDMAN, surtout quand on ne fait pas de différence avec Bernard, votre oncle du Gers qui a une oreille plus longue que l'autre : le résultat fait passer Carla BRUNI pour SYMPHONY X. Ah, et on ne fait pas chanter Jean-Louis AUBERT sur une chanson des années 30. Point.

Une java bleu pâle limite aigue-marine, 20 ans fêtés de manière un peu molle, Béart et Kiberlain qui cherchent leurs amants sans grande conviction, ce disque est un concentré d'ennui, de lourdeur, alors qu'il débutait sous une légèreté Parisienne emplie de liberté (non ZAZ, rassieds-toi !) et de bonne humeur. Deux millions d'exemplaires vendus ? Et on s'étonne que le pays déprime ! L'idée de départ était bonne, mais pour un "Premier rendez-vous" charmant ou un amant de bal un peu frivole qui a fait danser 3 générations pendant l'été 2002, vous avez une quasi-vingtaine de loupés dont l'enquillement in extenso s'apparente à du suicide. BRUEL cherchait une légitimité définitive en tant que représentant de la chanson française, et au niveau médiatique il l'a bel et bien acquise. Mais à quel prix ?

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- Patrick Bruel (chant)
- Charles Aznavour (chant)
- Laurent Voulzy (chant)
- Renaud (chant)
- Emmanuelle Béart (chant)
- Sandrine Kimberlain (chant)
- Jean-louis Aubert (chant)
- Jean-jacques Goldman (chant)
- Johnny Hallyday (chant)
- Danielle Darrieux (chant)
- Francis Cabrel (chant)
- Kahimi Karie (chant)
- Zazie (chant)
- Alain Souchon (chant)
- David Moreau (claviers, arrangements, melodica, cloches tubulair)
- Jean-yves D'angelo (claviers)
- Jean-michel Kajdan (guitare)
- Hervé Braud (guitare)
- Régis Ceccarelli (batterie, claviers, vibraphone)
- Fabrice Moreau (batterie)
- Laurent Vernerey (basse, contrebasse)
- Julien Chirol (trombone)
- Frédéric Couderc (saxophone, clarinette)
- Marie Brieux (violon)
- Philippe Noharet (contrebasse)


1. Mon Amant De Saint-jean
2. Ménilmontant
3. Ah Si Vous Connaissiez Ma Poule !
4. Paris Je T'aime D'amour
5. Que Reste-t-il De Nos Amours ?
6. Vous Qui Passez Sans Me Voir
7. Comme De Bien Entendu
8. Où Sont Tous Mes Amants ?
9. Je Suis Dans La Dêche
10. Quand On S'promène Au Bord De L'eau
11. Le Temps Des Cerises
12. Qu'est-ce Qu'on Attend Pour être Heureux ?
13. A Paris, Dans Chaque Faubourg
14. La Java Bleue
15. La Complainte De La Butte
16. Premier Rendez-vous
17. Tout Le Jour, Toute La Nuit
18. J'ai Ta Main
19. Ramona
20. Celui Qui S'en Va
21. On N'a Pas Tous Les Jours Vingt Ans
22. La Romance De Paris
23. Parlez-moi D'amour
24. A Contretemps



             



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