A croire qu'il était arrivé au taquet de son expressivité sombre et grandiose : lorsqu'Art MENGO délivre son premier album des années 2000, la première chose qui frappe est le changement radical de son et d'inspirations. MENGO a toujours eu un léger penchant pour les musiques sud-américaines, la guitare jazz (le solo de "Nadja") et les petits orchestres à cordes. Avec sa pochette décalée (pour le moins) et sa production qui revient à quelque chose de plus dépouillé, La Vie de Château se montre finalement assez proche de La Mer N'existe Pas, avec ses qualités et défauts équitablement répartis.

Avant tout, le maître mot : chaloupé. Cha loupe pas d'ailleurs, le disque dans son intégralité évite toute forme de conflit, bypasse toute agression. On peut être dans le regret, dans le saudade pur et dur ("Je passerai la main"), mais jamais dans la violence, c'est les vacances. A la rigueur, l'élément le plus dark est l'intro de "Dans un an et un jour", où l'on dirait Blofeld qui rentre dans sa base sous marine. Pour le reste, se référer à la page 47 de notre catalogue "tout doux pour doux bébé doux", ce qui n'est pas, repeat after me, PAS une tare ! La voix, toujours aussi chaude et éraillée mais sans heurt, s'amuse à glisser le long de mélodies parfois subtiles et peu orthodoxes qui viennent lécher les pieds de la bossa nova, en y succombant parfois, rarement - et pour être honnête, les meilleurs refrains sont ceux où la tentation était trop forte.

Entre mélancolie et fatalisme, mais jamais de mauvais sentiments, MENGO donne dans le décalé léché, dans le laid-back ("L'enterrement de la lune", dont le début aurait pu figurer sur Communiqué de DIRE STRAITS), le rigolo ou le mystérieux ("Monsieur Claude"). Ses musiciens se montrent toujours feutrés, toujours au service de la chanson, ce qui n'empêche pas quelques fulgurances et notamment un solo de jazz guitare démentiel sur le même "Monsieur Claude". Des détails donnent une saveur inimitable aux titres les plus profonds : l'espèce de bandonéon rêveur sur l'irrésistible "Temps Perdu", la saveur irréelle d'un vieux William SHELLER sur la magnifique "Ultra Marine", des cordes à l'affût, façon sniper, proches de MORRICONE sur "Le même tango".

La légèreté du disque et sa volonté d'économie de moyens ne fonctionne cependant pas sur sa totalité. Ainsi on pourrait se dire à l'écoute du premier titre qu'Art nous refait un "Mer n'existe pas" en moins bien : il y a de ça, tout comme dans des "Lettres à Milena" ou "Ton solitaire" qui se forcent à rester dans un style qui pouvait être quelque peu chamboulé. Même la chanson finale semble ne pas être à sa place, malgré son génial riff de refrain : "Monsieur Claude" (encore lui, nom d'une pipe !) aurait été un meilleur coda. Le disque ne tient pas toutes ses promesses, et est par ailleurs au moins aussi difficile d'accès que "La Mer", mais on ne peut pas reprocher à notre Toulousain de s'être reposé : si sa musique devient de plus en plus relax, sa façon d'approcher les harmonies se bonifie avec le temps. Une transition ?