A force d'épurer sa musique en studio, ça devait arriver : le second album live d'Art MENGO joue la carte du minimalisme. Il faut dire que Sujet Libre, son dernier album en date, s'y prêtait assez bien, et d'ailleurs il y sera à l'honneur. Loin du Mandala qui présentait un groupe restreint mais très versatile et respectueux du travail studio, Live en Trio propose une approche plus authentique, sur le papier. Sur le papier oui, car se pose l'éternelle question : s'imposer le carcan restrictif d'arrangements dépouillés, est-ce réellement de l'authenticité ?

Vous avez quatre heures.

Art, lui, a trois fois moins pour faire passer le maximum de titres à la moulinette accordéon (omniprésent) / guitare acoustique /piano / batterie / violoncelle, selon les humeurs. Le but avoué est la proximité avec le public (sous-mixé, trop souvent absent), et la mise en valeur des mélodies et de l'approche harmonique parfois pas évidente. On va d'abord se mettre d'accord sur l'approche positive de cet album : on ne peut pas retirer un vrai parti-pris artistique, qui va jusqu'au bout des choses, et notamment avec une technique impeccable. La mise en place est naturelle et précise, les parties solistes virtuoses (superbe solo d'accordéon sur "Le hamac"), et plus incroyable encore, Art chante globalement bien et même parfois mieux qu'en studio ("Je t'aime d'amour madame").

En revanche sur le long terme, ce concert n'arrive pas à emporter l'adhésion. Les tempos varient, les ambiances aussi, mais l'émotion reste plus ou moins la même, en surface, avec les spécificités de l'univers MENGOesque un peu trop souvent utilisées telles des McGuffin de la mélodie. Régulièrement, on se surprend à trouver l'ambiance ni trop facile ni vraiment ennuyeuse, mais comme en retrait, sans surprises. Il y en a pourtant, des mauvaises notamment puisque certains titres ne marchent pas du tout. "Demain demain" malgré le traitement jazz de Saint-Germain des Prés du refrain est totalement raté, l'approche Bill EVANS de "Je me suis réveillé fragile" est élégante mais finit en impasse, la fin du concert est clairement de trop, sans saveur particulière, et quitte à défendre (plutôt bien) l'album Sujet Libre, il faut reconnaître qu'avoir expédié "Randonnée en famille" de cette manière est un suicide.

Evidemment il y a aussi les bons points à distribuer. Parce qu'en choisissant une telle formation, Art savait quand même ce qu'il faisait. Et donc "Les moulins de tes chimères" trouve l'équilibre harmonique qui était trop lourd en studio. Citons également "Le hamac", surprise, dans une version meilleure, plus taquine ; l'excellente "Je passerai la main", dans une version endolorie, forte, à l'écriture frôlant l'élégance d'une Véronique SANSON ; le thème "Sujet libre" décidément tube en puissance. A propos de tube, il est surprenant de voir à quel point ceux de MENGO ne sont pas particulièrement mis en valeur. "Les parfums" dépouillé à l'extrême ne marche qu'à la mélodie, il est vrai inoubliable ; "La mer..." passe d'un chant ternaire à binaire et devient déprimante comme si l'océan n'avait réellement jamais existé ; "Laisse-moi partir" est un peu vidée, nonobstant un piano léger ; seule "Parler d'amour" trouve dans cette version intimiste une vraie raison d'être.

En demi-teintes donc, ce concert qui se prend à son propre piège. Les amoureux de chanson française à l'ancienne seront sans doute plus réceptifs à la formule musicale, bien que le côté bossa, latin, indolent caractéristique d'Art ne soit pas gommé, et donc loin des canons du genre. Ceux qui ont préféré chez notre Toulousain la légère confusion des genres seront en revanche moins à la fête, le côté polisson des textes ne suffisant pas à faire oublier l'interprétation trop étriquée. Décevant ? Oui, un peu, mais au moins aura-t-il essayé.

A noter que cet album live n'est logiquement disponible qu'en pack avec "Ce Petit Chemin". Vous risquez de le trouver à part sur des sites de revente mais gaffe, il sera certainement MOINS cher dans sa version "deux en un". Après, que l'autre disque soit intéressant même à bas prix, c'est un autre débat.