Il est intéressant de constater à quel point les groupes se voient catégorisés par la presse à la suite d’un ou plusieurs hits ayant littéralement fait exploser les charts du box-office. Une fois remis de leur succès éphémère, ils font face à une renommée dont il n’est pas aisé de s’affranchir. Se créé alors l'automatisme du grand public qui assimile un groupe à une ou à quelques chansons. Voyez plutôt : TOTO = "Africa", DEEP PURPLE = "Smoke On The Water", U2 = "Sunday Bloody Sunday" et vous en avez sûrement une palanquée d’autres. C’est comme réduire Johnny Depp à Pirates des Caraïbes. Sans être foncièrement mauvaises, ces œuvres ne peuvent pas résumer à elles seules les capacités desdits artistes. Comme beaucoup d’autres à l'époque, le groupe new-yorkais CHIC s’est vu attribuer le sobriquet de 'machine à tubes'. Depuis "Le Freak", entre autres, cette appellation lui colle à la peau tel un parasite, entravant l'évolution de la suite de sa carrière. Cependant, CHIC est bien plus qu’un groupe de disco voué à inonder les chaînes radio.

C'est un groupe créé à la fin des années 70 par Nile Rodgers, Bernard Edwards et Tony Thompson. Ce sont respectivement un guitariste issu d’une formation jazz, un bassiste aux influences résolument funk et un batteur de fusion. Le groupe jouit donc déjà d’un avantage certain -la variété culturelle de ses protagonistes- qui lui donne la capacité d’évoluer dans plusieurs styles voire de les fusionner. Et c’est exactement ce qu’il fait ici.

Le décès prématuré du disco entraîne la mort artistique d’un bon nombre de musiciens. Selon la presse, CHIC fait partie des groupes dont l’intérêt s’achève ici. Or, ce fut l’occasion rêvée pour revenir à son style de prédilection qu’est le funk. Le premier album de cette nouvelle ère est Take It Off et est sorti en 1981. L’album est inauguré par le single "Stage Fright". Le ton est donné : dansant, groovant, funky, revigorant. Les voix féminines ont le timbre typiquement afro-américain qui insuffle puissance, rondeur et chaleur à des titres comme "Telling Lies" ou "Burn Hard", ce dernier étant le plus marqué par le disco. On apprécie tout autant les voix masculines assez graves et profondes de "Flash Back", "Your Love Is Cancelled" et "Just Out Of Reach". Elles rappellent un peu les productions de Luther Vandross, un haut représentant de la musique soul avec lequel certains membres du groupe ont eu quelques accointances.

Le plus remarquable de Take It Off, ce sont les lignes de basse ainsi que les riffs de guitare que l'on ne peut que mettre sur un piédestal. Dès lors que "Stage Fright" démarre, on est emporté par cette partie rythmique qui constitue, au final, tout le substrat du genre. Ces deux instruments ont toujours constitué la base du funk en lui apportant le groove. "So Fine" est introduit par le son claquant et étouffé de la guitare de Rodgers qui, en sus, nous gratifie d'un solo très jazzy. La spécialité du guitariste reste incontestablement la partie accord comme en témoigne "Burn Hard", certainement le meilleur moment du disque. Edwards, lui, parvient toujours à tricoter une ligne de basse originale et efficace, du très posé "Flash Back" à l'étincelant "Your Love Is Cancelled" où transparaît le style de Larry Graham. Enfin, l'album est couronné par "Baby Doll", un instrumental marqué par une improvisation de saxophone plutôt plaisante.

Take It Off marque les débuts de la vague funk post-disco déjà initiée par l'album Real People. Cette période dépourvue de succès commercial mérite pourtant l'attention des fans du style.