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Vladimir COSMA - Le Grand Blond Avec Une Chaussure Noire (1972)
Par AIGLE BLANC le 23 Janvier 2021          Consultée 1723 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Que Vladimir COSMA soit devenu un spécialiste des comédies, voilà une évidence que confirment les succès populaires français auxquels il a associé son patronyme. Il n'est sans doute pas un hasard non plus si des cinéastes ou scénaristes de l'envergure de Gérard Oury, Yves Robert et Francis Veber ont tous fait appel à ses services pour signer la Bande Originale de leurs films respectifs, que ce soit Alexandre le Bienheureux, Les Aventures de Rabbi Jacob, L'emmerdeur, Un éléphant ça trompe énormément ou Le dîner de cons. Ce trio de cinéastes concentre en effet à lui seul les plus grandes comédies à succès des années 60 à 90.
Et quand ces cinéastes collaborent entre eux, comme Yves Robert (réalisateur) et Francis Veber (Scénariste) sur le diptyque Le Grand Blond avec une Chaussure Noire/Le Retour du Grand Blond, la présence du compositeur semble être comprise d'office dans le forfait.

Le Grand Blond avec une Chaussure Noire (1972) compte parmi les fleurons de la comédie française grâce au scénario astucieux de Francis Veber. Le choix initial du personnage éponyme se portait sur Claude Rich, mais le scénariste a suggéré plutôt Pierre Richard, proposition qu'Yves Robert s'est empressé d'approuver, lui qui avait donné sa chance à l'acteur comique à l'époque d'Alexandre le Bienheureux et avait même produit Le Distrait, son premier film comme réalisateur.
Vladimir COSMA a composé la musique de la plupart des films interprétés par Pierre Richard. Il nourrissait à l'égard de l'acteur un attachement dont leur longue association a permis d'accompagner le personnage distrait, farfelu et gaffeur que l'acteur a maturé tout au long de sa carrière.

Si le Grand Blond constitue l'aboutissement des recherches de Pierre Richard quant au personnage qu'il avait commencé à cerner dès Le Distrait (1970), une forme d'icône en quelque sorte, il en va de même de la musique de Vladimir COSMA, devenue l'emblème iconique d'un film parodiant avec délice l'univers incroyablement sérieux et austère des espions encombrés de l'armada de leurs gadgets et autres micros miniaturisés.
Alors qu'au sein des oeuvres de l'acteur (Le Distrait, Les malheurs d'Alfred, Je suis timide mais je me soigne), le compositeur avait su parfaitement jouer la carte du pastiche selon les besoins de telle ou telle séquence chargée en émotions diverses (suspense, blues..), avec Le Grand Blond, négligeant l'attirail parodique habituel, il trouve une voie alternative des plus surprenantes, voire décoiffante.
Délaissant le saxophone soprano, la trompette et l'orgue Hammond, COSMA associe deux instruments des plus atypiques jusqu'alors dans le domaine de la musique de film : la flûte de pan et le cymbalom *. La flûte de pan, ou plutôt son homologue roumain connu sous le patronyme Nai, est interprétée ici par l'un de ses maîtres en la matière, j'ai nommé Georghe ZAMFIR. Son association avec le cymbalom, aussi étrange paraisse-t-elle, devient évidente lorsqu'on la ramène au folklore roumain qui l'affectionne particulièrement.
A ce titre, "Sirba", la piste ouvrant le disque et accompagnant le générique d'ouverture, est un thème magistral, authentique manifeste en faveur de la musique roumaine, une façon peut-être pour Vladimir COSMA de rendre hommage à ses origines. Sur le rythme sautillant du cymbalom, la flûte de Zamfir se lance dans une démonstration de virtuosité n'ayant d'égale que la joviale énergie qui la traverse. Comment concilier la couleur exotique de cette composition exemplaire et l'esprit si subtilement français à l'oeuvre dans cette parodie ? Si la force d'une telle analogie ne saute pas à l'esprit, elle démontre cependant le génie du compositeur capable de transcender les oppositions les plus radicales pour leur rendre la limpidité des évidences.
Après un tel déluge de notes et de vélocité, les autres titres interprétés par le cymbalom et la flûte de pan s'avèrent infiniment plus mesurés : la douce "Doina", aussi lente que sa consoeur "Sirba" est endiablée, l'élégante "Babouchka" au lyrisme retenu et "Le Grand Blond" qui revient au thème initial, non sans l'avoir considérablement ralenti, constituent des variations logiques et surtout formidablement exploitées par le film.
Cette B.O, comme la plupart, ne saurait compenser à elle seule l'absence des images qui leur confèrent une tonalité ironique assez savoureuse. Trois autres pistes la complètent qui, malheureusement, délaissant le folklore roumain, abordent des territoires plus communs, comme "La femme Rêvée" dont le piano light exécute un jazz de cabaret cosy (ou "easy-listening") accompagnant la scène de séduction entre Pierre Richard et Mireille Darc, sans qu'on puisse affirmer s'il s'agit d'un pastiche ou d'une composition passe-partout. Plus convaincante car plus incarnée, "Bela's Blues" est un des nombreux pastiches de Vladimir COSMA sonnant comme un standard du jazz avec son piano et sa trompette sensuelle.

Avec ses 17 minutes au compteur, la B.O du Grand Blond avec une Chaussure Noire ne saurait prétendre décemment au format du 33-tours, à plus forte raison encore moins du CD. Aussi, quand le label français Pomme Music, co-fondé par Charles Talar et Didier Barbelivien, l'édite en 1992, il se voit dans l'obligation de la coupler avec la partition de sa séquelle, Le Retour du Grand Blond (1974), réalisée également par Yves Robert sur un scénario et des dialogues de Francis Veber. Si la suite, bien que fort sympathique, s'avère un cran inférieure à son aînée, notamment parce qu'elle se contente de reprendre en les approfondissant ses ingrédients principaux, sa musique composée par l'incontournable Vladimir COSMA trouve l'occasion d'en développer la formule en ajoutant aux couleurs roumaines celles, carnavalesques, du Brésil.
Le célèbre thème "Sirba" se voit bien entendu décliné selon deux arrangements savoureux : celui de "Sapato Rosa" en accélère légèrement le rythme de la flûte de pan lead tandis que l'arrière-plan déploie les rythmes exotiques du Brésil, destination de vacances du Grand Blond et de sa dulcinée. Si cette version n'apporte pas de réelle plus-value, elle se laisse écouter avec un certain plaisir pour peu qu'on soit adepte des "battucada". La seconde version, "Blackfinger", en revanche est une réussite amusante dans le genre du pastiche. Le Grand Blond se voulant une parodie des films d'espionnage, donc des James Bond, Vladimir COSMA se voit confier une version james-bondesque du thème principal. Bien que le compositeur n'apprécie guère le plagiat lorsqu'il s'agit de signifier que la musique accompagne un film comique, il livre un exercice tout à fait étonnant. Après une ouverture qui plagie en effet celle du générique iconique de John BARRY, la suite restitue ni plus ni moins que la mélodie de la "Sirba" d'origine, mais dans des arrangements alternatifs savoureux. La flûte de pan se voit remplacée avec bonheur par la guitare électrique, très morriconienne dans l'âme, et le cymbalom s'efface au profit de cordes dans l'esprit orchestral des musiques de John BARRY. Le résultat réussit l'exploit d'évoquer James Bond sans en être pour autant un plagiat. Du grand art.
Le compositeur démontre ainsi un savoir-faire incroyable, tant dans le style de la Samba ("Allo Samba" et "Batucada Feijoada" enjoués et festifs à la flûte piccolo aérienne et aux cloches trépidantes), que dans la reprise des thèmes du film initial ("Espionissima", "La Grande Blonde") quand il retrouve les arrangements d'origine, la flûte de pan alliée au cymbalom **, mais en introduisant des variantes subtiles (rythme ralenti, disparition de certaines notes pourtant fortement attendues). Le duo flûte de pan/cymbalom lui inspire également deux nouvelles compositions toujours très réussies : "Nai, Nai, Nai" au rythme primesautier irrésistible et la sublime "Florea Soarelui" où la flûte arrondit ses angles jusqu'à devenir sensuelle et alanguie. Quant à "Christine", il s'agit d'une chanson dans la pure tradition de la Bossa Nova qui n'a rien à envier aux standards du genre : une merveille interprétée par une chanteuse magnifique, malheureusement non créditée dans le livret.
Le Retour du Grand Blond parvient à supplanter Le Grand Blond avec une Chaussure Noire en multipliant les sources d'inspiration et en offrant une matière plus étoffée que celle de son aînée.

* Le musicien officiant au cymbalom n'est pas crédité.
** Etrangement, ZAMFIR ne tient plus la flûte de pan dans la B.O du Retour du Grand Blond, mais c'est son compatriote Simion Stanciu.

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   AIGLE BLANC

 
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- Vladimir Cosma (compositions, arrangements et direction orchestral)
- Georghe Zamfir (flûte de pan roumaine, titres 1 à 7)
- Simion Stanciu (flûte de pan roumaine, titres 8 à 20)


- le Grand Blond Avec Une Chaussure Noire (1972)
1. Sirba
2. Doina
3. Mozart Massacré
4. La Femme Rêvée
5. Bela's Blues
6. Babouchka
7. Le Grand Blond
- le Retour Du Grand Blond (1974)
8. Sapato Rosa
9. Nai, Nai, Nai
10. Blackfinger
11. Allo Samba
12. Florea Soarelui
13. Espionnissima
14. Batucada Feijoada
15. Christine
16. Gymkana
17. Bossa Des Tueurs
18. La Grande Blonde
19. Les Brahms M'en Tombent
20. Sirba (le Retour...)



             



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