Nous attaquons avec cette image colorée et naturaliste des moments moins notables, ou en tous cas moins connus de l'oeuvre d'Edvard GRIEG. Trois opus sont ici réunis et présentent chacun un style différent du compositeur. Nous entrons ainsi de plein pied dans son intimité, et devenons les témoins privilégiés de l'évolution de son art au travers de créations sans doute plus personnelles et modernes. Impossible d'envisager une quelconque unité sur cette livraison de la Deutsche Grammofon, rien ne liant entre eux ces trois instantanés qui s'étalent sur quatorze ans. La légendaire maison d'édition les ayant regroupés, a nous de tirer la leçon qui en découle.

Débutons par "Before A Southern Content", qui est donc la pièce la plus ancienne du lot, il s'agit de l'opus 20, qui date de 1871 alors que l'artiste n'a encore que 28 ans. L'atmosphère évoque une pièce d'opéra nantie de tous les éléments idoines. Les différentes voix soprano et alto impriment un rythme qui oscille entre l'angoisse et le stress, le choeur remet un peu de positif mais pour cette fois, les portions orchestrales s'effacent devant les voix, rendant le morceau peu attractif à mon sens.

L'opus 32, près de six ans plus tard, intitulé "The Mountain Thrall" est une chanson traitée avec la complicité d'un philarmonique, l'ensemble sonne donc comme une des œuvres symphoniques du Norvégien agrémentée d'une puissante voix de baryton. On s'y reconnaît tout à fait, impossible de ne pas penser à GRIEG dès les envols de cuivres et la lancinance des cordes. Le traitement est cependant plus celui d'une chanson que tiré d'un mode opératique. La composition dure plus de six minutes mais ne laisse guère de place aux digressions, pour un instant de quiétude et de contemplation.

C'est donc "Bergljot" qui est l'instant mémorable de ce disque. Il est aussi le plus remarquable et original de par sa conception. En effet, il s'agit d'enrober de pièces instrumentales des voix déclamatoires en norvégien. Le texte est de Bjørnstjerne Bjørnson, un des grands dramaturges nationaux lauréats du prix nobel de littérature, nous sommes plus proches du vieux norrois que du norvégien pur et simple. Il s'agit comme souvent, d'exalter les sentiments nationaux. Les voix – masculines ou féminines, peu importe - sont inquiètes et à l'unisson des interventions des instruments. On note des structurations souvent très modernes, parfois presque incongrues – certaines versions au piano seul nous amènent droit vers des tritons métalliques à souhait - enfin, bref, nous sommes dans l'antichambre de ses fiers descendants de Bergen. Vous en doutez ? Ecoutez plutôt certains structures du In the Nightside Eclipse d'EMPEROR ou du Likferd de WINDIR après avoir écouté "Bergljot", c'est presque drôle.

Bien sur, à part pour les curieux qui souhaitent établir un lien entre le black metal de nos époques et la production classique de GRIEG 130 ans plus tôt, tout ceci est plutôt réservé aux fins connaisseurs du norvégien. A mon sens cependant, pas de vrais instants mémorables pour la plupart des mélomanes non avertis sur ce disque, qui risque fort de vous laisser sur une forte sensation d'incompréhension, même si "Bergljot" propose quelque chose de fondamentalement différent. Je pose donc une note sévère sur cette production.