Il y a des moments dans la vie où l’on désire tout fracasser, purement et simplement. Il n’y a pas à s’en justifier devant un tribunal d’experts en problèmes psychiatriques ni, plus sommairement, à en avoir honte. Il suffit de détenir, quelque part dans sa sinueuse discothèque, un objet de la trempe de celui-ci pour éviter tout passage à l’acte intempestif.

Premier album officiel avec Paul BARKER, The Land of Rape And Honey*, quasi le meilleur de MINISTRY, est d’un jusqu’au-boutisme presque indécent. Si les YOUNG GODS avaient déjà ouvert la brèche du rock indus l’année d’avant, nos deux lascars de Chicago s’y engouffrent tête baissée mais sans pour autant délaisser l’aspect dark EBM du précédent opus. D’ailleurs, l’album n'est officiellement rock ou indus metal que pour les 3 premiers titres ; les autres tueries se situant dans un style plus electro. La sympathique secte des 'Make Ministry synth again' trouvera donc ici de quoi se sustenter, pour autant qu’elle possède un goût prononcé pour le hardcore qui enfile des parpaings bien massifs à la chaîne (industrielle).

"Stigmata" est le tire phare de l’album, avec son beat lobotomisant, ses chordes coupées au couteau et ses vocaux distordus qui sont devenus depuis la marque de fabrique du groupe. Bien que ce morceau très linéaire s’étale un peu en longueur, il n’en reste pas moins un moment d’anthologie dont les versions live de l’époque sont plus à même de retranscrire la parfaite radicalité.
Tout ce qui suit est digne du plus efficace des abattoirs : la bombe hardcore indus "Deity", le très violent "Flashback", l’incontournable titre éponyme avec ses vocaux vomis de l’Enfer et ses samples qui sentent bon les années 30 ou encore l’hypnotique et très muslimgauzien "Hizbollah".

Personnellement, après plus de 25 ans passés en douce compagnie de cette boucherie, je raffole tout particulièrement de "Golden Dawn" : beat ultra-massif, guitares aériennes, basse de tueur et samples de The Devils (film anglais des années 70) mélangés à des incantations de l’inénarrable Aleister Crowley.
Le rampant "You Know What You Are", basé sur la mémorable gueulante finale de Tuco dans le plus célèbre des western spaghetti, me réjouit tout autant dans son genre grassement electro et ses vocaux inhumains ponctués du sample Die Motherfucker ! (Aliens) particulièrement jouissif et efficace. On note la présence vocale de Chris CONNELLY, acolyte de premier ordre lors des terribles tournées à venir.

Il paraît que la pochette dudit disque représente un cliché que JOURGENSEN a pris lors d’un documentaire sur le camp de concentration de Buchenwald. Pour ma part, j’y ai toujours vu les victimes de Pompéi après l’éruption du Vésuve.
Quoi qu’il en soit, et pour peu que l’on aime se faire violence en musique, on ne ressort pas indemne de cette éprouvante écoute – et c’est bien la moindre des choses quand on désire sincèrement écouter du MINISTRY !


* Titre qui à l’origine est le slogan exact que les exploitants du Tisdale, riche région du Saskatchewan (Canada), ont choisi en 1958 pour mettre à l’avant leur production de miel.