1989 fait partie de ces années qui résonnent en nous de façon tout à fait particulière, à l’instar de 1939, 1789, 1917 ou encore 1984. Une année de viol et de miel. La chute du Mur de Berlin ; le couple Ceausescu gisant dans son sang le jour de Noël ; les premiers grands rassemblements techno ; les deux cents ans de la Révolution française ; les cent ans de la naissance d’Adolf Hitler ou la condamnation de l’écrivain Salman Rushdie par l’ayatollah Khomeini. C’est aussi et surtout, la date de sortie de The Mind Is A Terrible Thing To Taste, le meilleur album de MINSITRY.

Al JOURGENSEN, libéré de toute contrainte depuis le violent opus précédent, retrouve celui qui est devenu son alter ego, Paul BARKER., ainsi que Chris Connelly en tant qu’assistant hurleur et Bill Rieflin à la batterie.

On entre dans le vif avec l’implacable "Thieves". Une tuerie réglée avec la précision d’un horloger suisse. Les correspondances entre les samples du bon vieux sergent recruteur de Full Metal Jacket, les guitares incisives et les percussions à la kalachnikov font de ce premier morceau un pur monument du genre. "Burning Inside" est un titre violent et abrasif comme l’oncle Al ne sait (presque) plus en faire depuis fort belle lurette. Simple et d’une rare efficacité. La caverneuse "Cannibal Song", avec sa ligne de synth-bass slapée, est particulièrement savoureuse et prépare bien le terrain pour le lourdement rythmé "Breathe", le titre d’ouverture des live de l’époque (à double batterie, svp).

Enfin ma préférée et, j’ose le dire, le diamant le plus brut de ce disque plus noir que l’onyx, "So What". Basé sur un schéma en diptyque, couplet mi-tempo à tendance nostalgie crasse et refrain féroce comme une offensive russe, ce titre légendaire contient en plus les paroles les plus violemment stylées du genre : So what, it’s your problem to learn to live with / Destroy us, or make us saints / We don’t care, it’s not our fault that we were born too late / A screaming headache on the brow of the state / Killing time is appropriate / To make a mess and fuck all the rest, we say, we say / So what ?

La dernière partie, sans pourtant revenir sur les beaux excès de rage des premières pistes, ne déçoit en aucune façon. "Test", sorte de rap indus metal, est une bonne surprise qui s’intègre parfaitement à l’ensemble de part son caractère apocalyptique et "Faith Song", qui lui succède, nous rappelle au dark electro le plus glacial avec ses samples de la version cinématographique du terrifiant et ma foi assez prophétique 1984.
"Dream Song" clôt l’album dans une ambiance sombre et onirique à souhait. Comme le brouhaha d’un hall de gare parvenant au travers les cloisons d’une cellule perdue quelque part dans le purgatoire.

Le plus abouti, le plus poli à l’acide sulfurique concentré de tous les MINISTY. Et peut-être aussi le plus expérimental, le plus étrangement évocateur. Sorte de mètre étalon auquel tous les prétendants au trône bien sûr inaccessible de l’indus metal se doivent de se confronter.