Dark Side of the Spoon, ou le fameux côté obscur de la force, celui dans lequel l’Empire de la farce nous enjoint de ne pas tomber.

Nous sommes ici entre le crépuscule d’un siècle de guerres et de crises financières et à l’aube aveuglante (éclipse oblige) du nouveau millénaire forcément rayonnant et, comme on était en droit de l’espérer, MINISTRY avait encore quelque chose à dire ; quelque grain de sel pour enrayer la folle machine en roue libre vers le nouvel ordre mondial. Son avant dernier grain de sel avant la chute finale. Je me rappelle comme si c’était hier d’une interview dans Rage (si ma mémoire est bonne) où JOURGENSEN se plaignait, en parfait vampire de bunker enfumé, du soleil insolent qui régnait alors sur la ville résolument démoniaque qu’est Paris. Souvenirs, souvenirs…

Premier titre, première grosse tuerie. Et même si l’aspect prend-ça-dans-les-dents de ce monstrueux "Supermanic Soul" cède rapidement la place à une ambiance générale faite de nuances, de demi-teintes et d’un certain groove déjà présent sur le précédent opus, on reste cependant (et c’est bien la moindre !) chez BARKER & JOURGENSEN, la preuve avec le furieux et surtout très méchant "Bad Blood" que les fans du premier Matrix doivent sûrement connaître (sinon ils méritent le fouet, ça va de soi). Cela dit, la distanciation avec Psalm 69 se poursuit et c’est une très bonne chose.

Un morceau tel que "Eureka Pile", avec son ambiance de strip bar malsain dans une Nouvelle-Orléans post-nucléaire, caractérise à merveille cette évolution vers une forme d’élasticité, de relative souplesse dans la lourdeur et la noirceur. Tout comme "Nursing Home" et sa touche jazzy-pachydermique, suivi d’un "Kaif", presque désespéré dans sa grondante nonchalance. "10/10" est particulièrement réussie et aurait constituée une fin idéale si le groupe n’avait pas eu l’idée de nous faire le coup bien dépassé de la fameuse chanson cachée qui n’en est pas vraiment une en fait (nananère).

Une autre caractéristique de cet album est le recours au chant clair (enfin relativement clair puisque la voix de JOURGENSEN est naturellement saturée) comme on ne l’avait presque plus entendu depuis Twitch. Un aspect presque aérien s’en dégage même si, objectivement, la voix naturelle de l’ami Alain n’est pas forcément la plus musicale dans le milieu…et c’est tant mieux, parce que nous ne sommes pas ici à la Star Academy.

Un MINISTRY plus dilué, plus détendu en quelque sorte, et donc aussi moins perforant, moins définitif que par le passé. Mais par contre, ce qui semblait difficile après Filth Pig, plus noir encore.