Chroniquer un disque qui commence par un sample de Greta Thunberg est un lourd devoir dont je m’acquitte uniquement (et péniblement, cela va sans dire) parce qu’il s’agit du tout dernier MINISTRY. Bien sûr, je suis au courant que papy JOURGENSEN est devenu depuis belle lurette un antifa assumé jusqu’à la caricature et que, depuis le départ de Paul BARKER, une certaine intensité fait cruellement défaut à ce qui fut, surtout entre 89 et 92, la quintessence du style metal indus. Cela dit, qui connaît un peu la bête sait qu’elle continue malgré tout d’avoir du mordant. Et ce qu’il est maintenant commun d’appeler la 'crise du Covid' lui redonne du très gros grain à moudre.

Premier constat implacable dès les premières notes du lourdeau mais néanmoins très sympathique et bien groovy "Alert Level" et ses moult samples de la jeune Suédoise qui voit le gaz carbonique à l’œil nu : Papy JOURGENSEN ira jusqu’au bout et cela d’autant plus qu’il y est déjà depuis le siècle dernier. "Good Trouble" me rappelle ce groupe qui avait sorti The Dark Side Of The Spoon il y a 22 ans et des poussières. Un bien bon morceau de rage nuancée et saupoudré d’un harmonica fort jouissif.
"Sabotage is Sex", où l’on retrouve au micro le bon vieux Jello BIAFFRA (en compagnie duquel JOURGENSEN et Paul BARKER avaient fondé le furieux et réjouissant projet LARD), fait indéniablement partie des bons moments du disque même si l’orchestration, malgré son apparente richesse, est plutôt banale et sans relief particulier. La suivante suit le même chemin avec un agréable glissement vers le KILLING JOKE le plus aérien, mais sans pour autant atteindre les cimes.

Avec "Search & Destroy" par contre, j’ai de la peine. L’impression d’entendre le même effort que le groupe avait fourni lors de la reprise de Bob DYLAN sur Filth Pig, mais en moins bien, forcément. J’aurais tout simplement préféré un morceau original, même une pochade de vieil alcoolo/ex-toxico pas tout à fait repenti. "Believe Me" présente bien mais, selon ma toute fraîche expérience, ne tiendra pas la route sur le long terme. "Broken System" et
"We Shall Resist" renouent assez correctement avec le bon vieux MINISTRY abrasif et electro à la fois ; esprit qui se prolonge sur "Death Toll", même si ce dernier n’arrive pas à décoller franchement.
Enfin, "TV 6", primaire et réjouissante à souhait, défonce absolument tout sur son passage – ce qui est une bienheureuse conclusion pour un album dont le nom est Moral Hygiene.

Meilleur que son brouillon prédécesseur sans toutefois s’en démarquer grandement, ce nouveau méfait de JOURGENSEN n’en demeure pas moins inférieur à ce qu’on pouvait légitimement attendre de lui, à savoir un disque nettement plus subversif et dévastateur.
Faire de Donald Trump le bouc-émissaire d’une pandémie made in China relève d’une facilité assez consternante mais somme toute prévisible quand on connaît un peu le maître des lieux. Les Républicains, si coupables soient-ils, ne sont que des pions sur un très vaste, très démesuré échiquier. Enfin, j’ose espérer que celui qui fut à l’origine d’un redoutable et célèbre morceau intitulé "N.W.O." a conscience que l’espèce de crise que nous traversons relève bien moins du sanitaire que de la mise au pas d’une humanité abrutie par la peur et le ressentiment.

Pour finir sur une note relativement positive, on peut dire qu’après 18 ans d’errance et d’excès malheureusement fort peu crédibles (aucune sortie du MINISTRY d’après 2003 ne peut raisonnablement rivaliser avec ce qu’était le groupe dans les années 80/90), ce Moral Hygiene passe plutôt bien, à défaut d’être remarquable. Il manque peut-être ici un certain Paul BARKER pour ajouter ou, mieux encore, injecter ce je ne sais quoi de terriblement inquiétant qui ronge notre monde comme un cancer.