Aujourd’hui est un grand jour puisque je m’apprête solennellement à rejoindre la secte des Make Ministry Synth Again. Je précise que je rejoins ce groupuscule uniquement à défaut d’un mouvement plus radical, plus définitif, plus… MINISTRY.

Mais où est passé MINISTRY, au juste ? Je parle d’un groupe qui s’est fait connaître d’un relativement grand public, en l’an de grâce 1992, grâce à un titre furieux et rageur comme "N.W.O." et qui, en 2024, malgré un plutôt bon Moral Hygiene qui semblait annoncer sinon un renouveau, du moins une reprise en main, nous sort un énième manifeste antifa et donc, anti-Trump. A ce stade, on jurerait presque que Jourgensen est devenu ou est en voie de devenir le porte parole alcoolo-punk du World Economic Forum.

Certes, mais qu’en est-il de la musique ?

Hopiumforthemasses s’ouvre avec "B.D.E." (Big Dick Energy) qui, malgré le travail de compression et le côté très chirurgical, ne casse pas trois pattes à un canard. Un titre énergique mais sans âme.
"Goddamn White Trash", peu subtile, semble un hommage à l’esprit de "N.W.O." citée plus haut. Pas franchement mauvaise en soi mais sans relief, et, pour tout dire, entendue des milliers de fois.
Dans le même esprit de pseudo-retour aux sources, le cas typique de "TV Song 1/6 Edition" ; un hommage direct au nom de la troisième piste de Psalm 69, mais qui ne tient pas du tout la comparaison avec cette dernière, summum d’agressivité d’un autre temps. On croirait plutôt écouter ici un interlude de la BO du dernier Fast and Furious, pour rester poli.

Au rang des bonnes surprises, nous avons "Just Stop Oil" qui, sans être transcendantale, possède un feeling façon REVOLTING COCKS qui donne aimablement envie de taper du pied. Mais, et sans même relever le caractère hautement démagogique du thème – Greta ! Sors de ce corps ! – c’est encore une embarrassante sensation de « déjà entendu en mieux » qui s’installe au bout du compte.
Deux autres plus ou moins bonnes surprises nous attendent avec "It’s Not Pretty" et son agréable énergie punkoïde, et surout "Cult Of Suffering", plutôt très sympathique dans son genre mi-tempo, avec son groove à la KMFDM et ses chœurs féminins bien traînants et efficaces.

"Ricky’s Hand", qui clôt l’album, est un inattendu retour à une espèce de new-wave d’autant plus musclée et pleine de panache que c’est une reprise du légendaire (et toujours encore très sous-estimé) FAD GADJET. Cela dit, cette conclusion pourrait faire penser à un bienvenu changement de direction dans un proche avenir – qui sait ? Ce serait salutaire, tout du moins.

Je suis le premier à dire qu’il est vain et même incorrect de souhaiter qu’un artiste ayant eu une carrière bien remplie prenne sa retraite, ou alors, change complètement de direction. Mais diantre ! Pourquoi ce diable de Jourgensen ne pourrait-il pas laisser MINISTRY mourir de sa belle mort et s’en aller explorer de nouveaux territoires ? Car ce nouvel album, qui contient son petit lot d’honnêtes voire agréables surprises, n’est pas, surtout dans sa première partie, digne de la grande époque. Il lui manque la volonté de faire mieux, ou mieux, de faire autre chose.