On le savait, le double single avait joué les hérauts de l’arrivée dans les bacs du neuvième album des suédois d’ABBA, pour une des sorties les plus attendues de l’histoire de la musique populaire. Reportez-vous à la chronique du single en ce qui le concerne. On ne parle ici que du reste, même si la note tient compte de l’ensemble, bien évidemment. Belle couverture en tout cas, annonciatrice de bien des espoirs, mais est ce une aube ou un crépuscule ? Ce qui est certain, c’est que nos vikings sont âgés de 76 printemps pour Björn, 75 pour Frida, 74 pour Benny et 71 pour Agnetha, c’est le règne des seniors ! Ce Voyage sonne cependant comme une jolie fin de carrière si on regarde les choses de manière pragmatique. L’espoir fait vivre, alors allons-y pour cette dernière aube d’ABBA.

"Just A Notion" était déjà présent sur certains des best of sortis dans les nineties. Une vieille compo donc. Un fond de tiroir ? Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, nous ne sommes pas certains du coup. Mais il y a ici comme un petit côté suranné, genre début des seventies. C’est pourtant le single qui vient de sortir !
Un beat obsédant de piano lance "Keep An Eye On Dan", assorti de pas mal de sonorités technoïdées. Le riff de synthés est un peu pompier, il semblerait que notre Benny ait bloqué sur les années quatre-vingt. Le titre garde une fibre plutôt dramatique. Les filles y chantent lentement, ne serait que le chorus un peu plus dynamique, et voyez donc la réminiscence de la fin. Coquin, non ?

Deux points d’orgue : l’orchestration tient plus au classique ou à la B.O qu’autre chose sur le sommet "Ode To Freedom". Les filles y chantent à l’unisson comme il semblait évident dès le départ. On entend davantage Frida dont la tessiture convient mieux à la composition. Un côté emphatique, presque épique, s’en dégage. Ce titre très atmosphérique et contemplatif rappelle cette aube/crépuscule de la pochette, très réussi.
Puis, on sautille sur "When You Danced With Me", comme sur un chant traditionnel suédois. C’est croquignolet. La blonde et la brune y enchaînent les couplets avec facilité, entrecoupés de synthés encore un peu "grandiloquents'. Cela s’écoute avec bonheur. Dieu merci, le duo de compositeurs n’a rien perdu de sa verve. On apprécie la touche celtique !
"No Doubt About It" nous rappelle qu’à l’occasion, les vikings font dans le rock, certes mâtiné d’un brin de variété, mais tout de même ! C’est bien speedé, avec des breaks qui tiennent plus de la synth pop. C'est cool mais un peu daté tout de même.

Un son, une ambiance qui rappelle "The Piper" en plus smooth, c’est la tressautante "Bumblebee". Frida y déclame comme dans un conte de fées une belle histoire de princesse sur un rythme martial, joliment enrobé dans des tonnes de guimauve. "Little Things" se présente aussi comme une comptine mignonnette. Les voix des deux icônes de la chanson populaire y sont toujours aussi exquises. D’ailleurs, voix d’enfants, xylophone, on y est ! C’est charmant mais pas très dansant !
Agnetha chante le slow "I Can Be That Woman" avec sa douceur habituelle. La chanson évoque les rapports entre ex. Elle y décrit Björn visiblement et se met en scène de la même manière. Le sujet est joli, mais si la chanson se laisse écouter, elle n’a rien d’un classique.

Il faut être clair : tout ici est sympathique, respire la bonne humeur et le savoir-faire. Mais il ne faut pas non plus se voiler la face : il n’y a ici pas l’ombre d’un classique sorti des deux faces du single. Encore faudra-t-il laisser passer un peu de temps pour en décider au final. Le disque est agréable, mais sans réelle surprise. Quoi d’étonnant ? On ne peut reprocher à ABBA d’avoir vieilli et de ne plus avoir la même énergie, c’est l’évidence ! Les filles disposent toujours de très jolies voix, les mecs savent toujours composer, mais pas la moindre trace de mouvement là-dedans. Le temps des dancefloor est définitivement révolu. C’est dommage, même s’il nous reste la discographie passée. Un point final mis à la discographie d’ABBA, pas pour les billets verts, mais sans doute plus pour créer un crépuscule à la hauteur, à l’âge de le faire. Impossible d’atteindre les quatre étoiles, mais un trois solide.

En revanche, ne comptez pas sur moi pour la tournée virtuelle !