La situation est désormais claire pour les Suédois. Il ne leur reste plus qu'à transformer l'essai de "Waterloo" qui les a fait connaître internationalement. Benny et Bjorn qui en ont bien conscience n'attendent pas un instant pour donner un successeur à leur deuxième album. l'album éponyme sort donc rapidement, et présente un groupe déjà star : limousine fourrures, bling bling, pose people... ABBA s'attaque au monde cette fois, c'est l'évidence, et tous les moyens sont mis en oeuvre pour obtenir ce succès.

En 1975, ce sont les singles qui font le succès. Quatre titres sont donc issus de l'album pour porter les espoirs d'une nation aux quatre coins du globe. "So long", le premier, n'est assurément pas celui à la postérité la plus éclatante, mais il s'agit d'un rock'n'roll du type de ceux que l'on faisait à cette époque - on pense au "Sugar Baby Love" des RUBETTES -, personnellement, j'aime beaucoup. Le choix du suivant s'avère beaucoup plus judicieux puisqu'il s'agit du redondant et bêtifiant "I do I do I do I do" aux harmonies pop de belle facture. Voilà une superbe incursion dans la variété de qualité, cette chanson sera d'ailleurs pillée par tous les groupes à la mode du moment. C'est gai, insouciant et terriblement addictif, même si cela sonne un peu kitsch aujourd'hui. les voix cristallines des filles y font merveille. Rien à dire, c'est parfait.

"SOS" poursuit la quête des tops des charts mondiaux, avec la réussite que l'on sait. Toujours la même ambiance bon enfant et des orchestrations faisant la part belle aux harmonies, avec une guitare présente et presque rageuse. Quand je vous dirai que le dernier single mondial est "Mamma Mia", vous comprendrez aisément que cet album a indéniablement réussi son pari d'installer le groupe suédois au sommet du stardom mondial. Un coté pop, mais aussi des velléités discos et dance évidentes font de ce titre un classique intemporel, ce n'est pas pour rien que le film à leur gloire se nomme ainsi. L'aspect visuel est toujours aussi dépendant de la plastique des deux donzelles qui rivalisent de sexytude pour appâter le regard. Leurs prestations scéniques et télévisuelles sont d'ailleurs révolutionnaires à cet égard, tant par la longueur de leurs jupes que par la sensualité qu'elles dégagent.

Les singles suffirent bien sûr au succès du disque. Mais il y a encore à dire sur cette livraison 75. Ainsi, le riff metallisé de "Hey hey Helen" surprendra ceux qui croient qu'ABBA n'est qu'un groupe de pop disco avec des chanteuses canon et légèrement vêtues. Et dans les bonnes surprises, "Rock Me" reste une valeur sure, avec son ambiance glam pop qui passe les générations avec succès. On retrouve à nouveau du Reggae avec "Tropical loveland". Certes, il manque un peu le groove propre aux musiciens jamaïquains, le groupe n'étant pas de taille à faire de l'ombre à Bob et Peter. Il n'empêche que ce souci d'explorer les divers genres musicaux est tout à leur honneur. Les mecs continuent cependant de vouloir chanter, comme sur "Man In the Middle", au ton funky dance, avec les gimmicks américains qu'ils se plaisent à utiliser. Et puis, il y a les élans pop variété qui commencent à devenir la marque de fabrique du groupe scandinave, comme "Bang a Boomerang". Enfin, "Intermezzo N°1" est un petit ovni, instrumental comparable à ce que faisaient les grands groupes de progressif et d'arena rock des seventies.

Certainement pas le meilleur album d'ABBA, il est cependant celui qui assure leur montée en première division des artistes de l'époque. Les singles gardent intacte leur efficacité, près de trente ans plus tard.