Bryn Jones était un homme si généreux que, durant sa relativement brève mais très prolifique carrière, il nous a gratifié de plusieurs albums doubles, dont cet excellent Izlamaphobia.
Orgie de flanger bien liquide ou métallique, de bons gros beakbeats et d’ambiances féeriques de sous les vapeurs d’opium. Une espèce de torpeur constamment relevée par l’obsession de la transe par le rythme.

Les grosses claques que l’auditeur objectif et zen est en droit d’attendre : le morceau d’ouverture, "Hudood Ordinance", méchamment flingué dans son style violemment syncopé ; "Zakat Zakat", agressive et parfaitement dynamique ; "Zindan Bug Pit", qui ronronne méchamment et n’hésite pas à sortir les griffes ; la chaude, hypnotique "Tozeur Palm" ; l’excellence psychédélique de la succulente mais si courte "The Ottoman Muzeum Of Cherished Momentos" ; l’aquatique et hip-hop "The Public Flogger Of Lahore" ; "The Hanging Judge Of Iran" et son tribalisme intense ou encore la junglesque et métallique "The Iraqi Who Grow Orchids", sans oublier ni l’inoubliablement hindou "The Sari Of Cholera", ni le final saturé de cithare en mode distortion.
Et encore, ce n’est là que ma simple liste non-exhaustive. Objectivement, tout est bon, voire très bon sur ce très chargé double-album.

On note, avec l’expérience requise en amont, que cette très bonne fournée peut être comparée à certains travaux d’AUTECHRE et plus encore d’APHEX TWIN. 1995 est une année charnière pour la musique dite électronique, et notamment pour la scène IDM. On sent comme une radicalisation ou plus exactement une densification du son dans cette mouvance majoritairement anglaise ; en ce sens, MUSLIMGAUZE ne fait pas non plus exception, bien que sa musique, je ne me lasserai jamais de le répéter, ne ressemble, de part sa surprenante simplicité et l’étrange originalité de se ses ambiances, à aucune autre, sur aucun continent. Certains osent la comparaison avec ASIAN DUB FOUNDATION ; le parallèle n’est pas complètement faux, mais tout simplement pas de taille : ce groupe sympathique et massivement promu par les médias alternatifs doit tout (entre autres) à MUSLIMGAUZE, au même titre que les élégants opportunistes de MASSIVE ATTACK, sur un autre échelon qualitatif bien sûr.

Dans le livret, on peut lire cette citation d’un certain Shair Abdel-Afiz Qassem, The Israeli people understand only the language of violence, not the language of peace. On serait tenté de rétorquer, dans un esprit de répartie assez français, que le camp d’en face pourrait tenir exactement le même genre de propos. A ceci près que, d’une part, le camp d’en face est explicitement un colonisateur et que, de plus, ce colonisateur a le soutien inconditionnel de la plus grande Nuisance Mondiale en ce bas-monde – Hollywood se tient garant.