Nous sommes en 2010 lorsque le monde découvre Elisabeth Grant alors qu’elle débarque sur la scène musicale à 25 ans avec son premier album studio Lana Del Rey A.K.A. Lizzy Grant sur les plateformes en ligne, trois ans après son enregistrement. A cette époque, Lana vit à New York et n’est pas encore connue du grand public, et elle a déjà enregistré l’album Sirens quelques années auparavant sous le nom de May Jailer. Encore étudiante, elle se voit offrir un contrat après avoir envoyé ses chansons tous azimuths aux labels. Elle enregistre donc Lana Del Rey A.K.A. Lizzy Grant sous l’égide du label 5 points. Mais il lui faudra attendre deux ans avant de rencontrer un succès global avec la sortie de Born To Die.

Son label avait commencé la promo de l’artiste avec la sortie de 3 titres en 2008 qui reçoivent une bonne critique. C’est durant cette période qu’elle change de pseudonyme plusieurs fois - dont Lizzy Grant - avant de s’arrêter sur Lana Del Rey. L’artiste commence déjà à cette époque à participer activement à la promotion de sa musique en la diffusant sur la toile avec des vidéos faites maison, comme elle le fera plus tard avant la sortie de Born To Die. L’album est prêt à sortir dans le commerce mais le label stoppe le processus, faute de fonds. Dans l’optique de basculer son style musical et de repartir sur de nouvelles compositions, elle rachète les droits de cet album après qu’il a été retiré de la vente en ligne.

Ce premier album pop aux influences rock contient 13 titres, dont "Yayo" qu’elle ré-enregistre plus tard sur Paradise. Lana décrit l’album comme du Hawaiian glam metal. On y découvre que Lana sait déjà ce qu’elle fait malgré son jeune âge, avec des productions fleurissantes et une imagerie cinématographique de couchers de soleil californiens sur des tracks old school jamais réellement démodées. Encore aujourd’hui, ces chansons restent chères dans le coeur de ses fans comme "Queen Of The Gas Station", "Smarty", "Put Me In A Movie" ou encore "Kill Kill".

A travers ses textes, on commence à en apprendre un peu plus sur cette nouvelle artiste et sa personnalité ultra riche (difficile de classer sa musique, qui évolue en permanence), son côté excentrique, confiante et son storytelling déjà passionnément inquiétant. On rencontre une chanteuse amoureuse malheureuse qui nous emmène dans une sorte de road trip américain sur un fond qui vacille entre optimisme et désarroi mais toujours en étant résolument elle-même… les fondements de sa marque de fabrique.

L’album s’ouvre sur l’iconique "Kill Kill", un son psychédélique qui raconte une relation qu’elle doit terminer sous peine de finir trop blessée. Elle aborde le même thème sur le titre "Pawn Shop Blues" où elle se détache de celui qu’elle aime pour se concentrer sur son introspection, apprendre ce qu’est la vie et qui elle est… et pourquoi pas parler à Dieu. Avec "Queen Of The Gas Station", elle se présente comme une vraie trash queen, tout comme sur "Mermaid Motel" et "For K, Pt. 2" des histoires d’amour pour une fois pas trop toxiques. Sur "Oh Say Can You See", une autre chanson d’amour, elle se révèle telle qu’elle est, avec des sonorités de comptine dark qui font référence à l’hymne américain et annoncent les prémices du thème avec le classique "National Anthem" à venir sur l’album Born To Die. Les amours plus toxiques se trouvent sur "Raise Me Up (Mississippi South)" ou encore "Put Me In A Movie" sur lequel elle veut son daddy, un thème récurrent chez Lana avec des chansons qui arriveront plus tard dans sa discographie comme "Off To The Races" et "Lolita", ou encore l’inédite "Be My Daddy".

Vous remarquerez que cela fait déjà plus de dix ans que Lana fait parler ses chansons entre elles, au fil d’un album et finalement de toute sa discographie. Encore un autre exemple sur cet album avec "Smarty" dont elle fait référence sur le titre inédit "Noir", ou avec les paroles Dance Me All Around The Room qu’on retrouve en 2021 avec la chanson "If You Lie Down With Me" sur l’album Blue Banisters. Qu’on aime ou qu’on déteste sa musique ou le personnage, on ne peut pas nier que Lana possède déjà sa propre patte, que ce soit au niveau de son écriture, des références culturelles ou artistiques qu’elle utilise ou de ses mélodies et de son étendue vocale.

Avec "Yayo" et "Jump", elle aborde le sujet de l’addiction et y dépeint la sensation que « ça nous tue » mais qu’on reste au bord de la falaise, prêt à sauter. Ici encore, exactement comme avec dance me all around the room, Lana nous jette les lignes palm trees in black and white qu’elle revisitera plus de dix ans après sur son dernier album en date. La thématique des palmiers reprise par "Fishtail" sera cette fois pour raconter un amour beaucoup plus positif (de palm trees in black and white, last thing i saw before i died sur "Jump" à palm trees, i see in technicolor sur "Fishtail").

Le monde ne le sait pas encore, mais on est clairement en train d’assister à l’envol de la carrière de Lana. La jeune femme talentueuse doit cheminer dans la connaissance de soi, dans son développement personnel... Une écriture authentique et un processus musical incroyable en sont les principaux éléments ! C'est un 4 pour un premier album réussi !