Loin des réseaux sociaux, Lana DEL REY ne fait quasi aucune promo pour son huitième album studio, Blue Banisters, qu’elle sort en octobre 2021 avec une discrétion qui colle bien à ce projet où la chanteuse s’éloigne de plus en plus des productions ultra-travaillées et s’accompagne d’instruments acoustiques pour embellir les émotions authentiques qu’elle transmet à travers ses textes.

Tout commence par l’instrumentation toute en simplicité de "Text Book", un titre serein mais aux thème et structure finalement assez complexes. Guidée tout du long par le piano, Lana pose sa prose comme elle seule sait le faire, sans chercher à s’adapter aux formats ou aux genres habituels. Bon, vous avez compris que Lana ne commet jamais d’erreur à mes yeux et si cette première piste est trop compliquée ou ennuyeuse à votre goût, je vous assure, le reste sera plus accessible.

Le single "Blue Banisters" est une ballade à la production minimale et au piano délicat qui progresse crescendo avec l’orgue et des harmonies subtiles. Même mode opératoire sur le deuxième single, le très cinématographique "Arcadia" où les violons et les trompettes viennent ajouter à cette sensation de grandeur.

Les puristes crieront au scandale pour le sample d’Ennio MORRICONE sur "Interlude - The Trio" et pourtant je trouve son utilisation bien faite et remise au goût du jour avec son beat aux inspirations trap, qui colle parfaitement à l’univers de DEL REY. Vient ensuite "Black Bathing Suit", pierre angulaire du disque où la guitare électrique se joint à la batterie frémissante pour laisser la chanteuse nous partager une ode à son corps, toujours pointé du doigt par les critiques.

La légende dit que trois chansons étaient destinées à apparaître sur Ultraviolence. Rappelez-vous qu’elle ouvrait ce troisième opus par le titre "Cruel World", dont elle fait référence ici sur les duos guitare-piano "Cherry Blossom" (And when you’e scared, I’ll be right here/You feel afraid, Mommy is there/It’s a cruel, cruel world, but we don’t care) et sur "Nectar Of The Gods" (What cruel world is this ? Nectar of the Gods/Heroin gold in my veins, you in my thoughts/I’m on the freeway racin’ at a million and I just can’t stop). Egalement écrite à la même époque, "If You Lie Down With Me" recourt à une instrumentation beaucoup plus dense, avec une superbe section de cuivres à la fin de la chanson.

Sur le piano simple de "Beautiful", Lana s’attaque à l’image de l’artiste dépressif et elle n’y va pas de main morte (What if someone had asked Picasso not to be sad ?/Never known who he was or the man he’d become/There would be no Blue Period/Let me run with the wolves, let me do what I do/Let me show you how sadness can turn into happiness/I can turn blue into something beautiful) et y étreint avec passion la mélancolie qui la caractérise tant.

On retrouve les violons sur "Violets For Roses" ou encore sur l’excellent "Thunder", une chanson qui aborde les peines de coeur et prend de l’ampleur avec ses choeurs soul et ses percussions upbeat. Parfois dans la simplicité comme avec la guitare et le piano de "Living Legend" ou sur la ballade sobre "Wildflower Wildfire", parfois sur quelque chose de plus produit comme le beat hypnotique de l’iconique "Dealer", Lana communique ses émotions, peu importe le sujet. C’est aussi le cas dans "Sweet Carolina", ballade réconfortante qu’elle co-écrit avec sa soeur et son père où la chanteuse part dans des aigus purs et célestes.

Touchée par les critiques sur son art et sur son corps pendant la période difficile du Covid, Lana se plonge dans ce disque - le deuxième de l’année - ultra-personnel qui complimente sa discographie et rappelle qu’elle seule est en charge de sa vision artistique en asseyant son style sur chaque chanson du projet : le chaos contrôlé.

Fermez les yeux et laissez-vous emporter par la douceur du piano, des instruments et la voix angélique de la chanteuse. Au milieu du tumulte et des changements de tempo que Lana maîtrise à la perfection, sa poésie intense et pleine d’allégories se met à peindre des images sur un fond de pop-folk aux teintes jazzy expérimentales. Comme Picasso, DEL REY embrasse sa période bleue, couleur et état d’esprit qu’elle référence depuis ses débuts et ça donne un album calme, intime, doux, écrasant et irrésistible à la fois.