En 1980, David VORHAUS publia deux albums. Si le premier, Re-Entry, fut publié normalement sous le nom WHITE NOISE, le second, The Vorhaus Sound Experiments, ne fut pas distribué dans le commerce. La raison est assez simple : il s’agit d’un disque de Library Music. La Library Music, librairie musicale ou musique d’illustration sonore en français, consiste en de grands catalogues de musique destinés aux professionnels de l’audiovisuel, et interdits à la vente au public, jusqu’à leur résurgence en masse sur Internet. De par leur aspect utilitaire, ces catalogues couvraient tous les styles de musique et les albums étaient la plupart du temps soumis à un format de durée, les morceaux ne durant souvent pas plus de trois minutes.

The Vorhaus Sound Experiments est donc le premier d’une série d’albums édités par le label anglais KPM. Cet album partage peu ou prou le même style musical et la même instrumentation hybride que Re-Entry, entre analogique et numérique. Nous avons donc là deux albums jumeaux. Néanmoins, The Vorhaus Sound Experiments se distingue de son homozygote par une meilleure cohérence stylistique.
D’abord, il n’y a pas des chansons qui tombent de nulle part en mode osef. De toute façon, il est rarissime de trouver des chansons en Library Music, une musique d’illustration sonore n’étant par définition pas censée prendre le pas sur le medium qu’elle tapisse.

Allons-y pour un name drop des familles. Nous trouvons beaucoup de numéros mélodiques de la trempe du meilleur de Re-Entry. Ainsi, "The Great Chip Takeover", "Design Technology", "Interaction", "Energizer", "Computer Code", "Sea Of Tranquillity", "Regeneration", "Momentum", "Time Base", "Future Scan" se situent dans la lignée de "Meteor Storm", "Nine Dimensions" et "Cygnus Constellation", et tout ce matériel aurait pu former un album solide.

Chacun des registres de Re-Entry est repris sur cet autre album, en meilleur. Là où "Orbit" était une ballade spatiale simpliste, "Aurora" présente une mélodie planante touchante, et le jarrien "Voyager One" enfonce allègrement "Time Traveller". "Regeneration" est proche de "The Cygnus Constellation", en moins redondant. "The Great Chip Takeover" et "Design Technology" auraient très bien pu assurer l’ouverture de Re-Entry en lieu et place de la suite "Countdown" / "Lift Off" / "Afterburn" / "Burn 2" d’arrière-garde qui tombait à côté de la plaque.

Ah, et qui dit Re-Entry dit pastiches de Gustav HOLST. Et c’est à nouveau le cas sur cet album… Si les références à "Mars: The Bringer Of War" sur "Time Base" sont assez anodines, David VORHAUS s’inspire intelligement de "Jupiter: The Bringer Of Joy" pour les séquences virevoltantes de "Design Technology".
Des pistes plus atypiques se glissent dans le lot : "Charged Particles" est un curieux mélange de piano, de synthèse analogique et de Fairlight CMI, et "The Jamaican Digital Blues" est une récréation plus qu’autre chose, qui n’aurait pas trouvé sa place sur Re-Entry.

Tout un pan de la Library Music est entièrement dédié aux effets sonores et autres virgules musicales ou "jingles". Mais il arrive que certains albums "normaux" incluent en fin de programme quelques-unes de ces pistes extrêmement brèves. C’est le cas de The Vorhaus Sound Experiments qui présente en fin de programme une dizaine d’indicatifs sonores pas désagréables quoique très anecdotiques pour l’auditeur d’aujourd’hui. Enfin, précisons que "Aurora" n’est pas une composition de David VORHAUS mais de Brian Gascoigne, qui réalisa avec David VORHAUS en 1972 la bande originale du film Phase IV.

The Vorhaus Sound Experiments est très probablement un recueil des chutes de Re-Entry non retenues pour le produit fini. David VORHAUS, pourtant prompt au recyclage musical, n’a repris aucun morceau de Re-Entry sur The Vorhaus Sound Experiments, quitte à en faire deux volumes. C’est dommage, car ça aurait permis de savourer séparément les meilleures compositions de Re-Entry, sans passer par deux longues pseudo-suites de vingt minutes.