Sound Conjurer est le troisième album de David VORHAUS pour KPM, et sa deuxième collaboration avec le guitariste David Bradnum. Sound Conjurer combine les compositions fantasmagoriques de Sleight Of Mind et l’hybridation entre guitares et synthétiseurs de Electro-Graphics (Music De Wolfe, 1982).

À la différence de l’album Electro-Graphics que les deux David ont composé ensemble, David Bradnum n’intervient que sur un tiers des morceaux de Sound Conjurer. La première face contient quatre morceaux très proches de Electro-Graphics. L’introductif "The Video Invaders" présente une mélodie assez pop, jouée à l’unisson à la guitare et au synthé. D’autres traits de guitare viennent harmoniser ou consolider la rythmique. Le background est constitué de nombreux effets sonores évoquant évidemment les jeux vidéo, qui font office de patterns rythmiques. Bien qu’omettant David Bradnum dans les crédits, "Fly High" contient de la guitare et possède à nouveau une tournure pop. Les deux autres morceaux sont davantage dominés par David VORHAUS. Sur le méditatif et très beau "Beyond The Limit", David Bradnum se contente de poser quelques arpèges de guitare aériens. "Black Alley" est plus atypique, mêlant la guitare électrique, des samples de guitare et marquant l’éphémère retour de l’ancien synthétiseur VCS3.

Trois morceaux de la face B sont l’œuvre des deux David mais la guitare en est absente. "Video Games" est entièrement fait de bruitages "style jeux vidéo" et la composition en acquiert un aspect drôlatique. Enfin, on leur doit les excellents "World Of The Dead" et "Domain Of Minos", deux compositions sombres et impressionnantes. Sur "World Of The Dead", on entend à nouveau le VCS3 ainsi que diverses percussions, dont ce qui ressemble à des bols tibétains, pour un résultat hypnotisant. Le très torturé "Domain Of Minos" n’est pas sans rappeler, dans une certaine mesure, "Black Mass : An Electric Storm In Hell" (1969).

Les deux tiers restants se situent dans la droite lignée de Sleight Of Mind. Si "Fleeting Shadows" et les deux "Scurry" sont un peu anecdotiques, d’autres sont la digne suite des deux albums précédents. "Lemmings" est une composition saisissante, semblable à "Inferno" en encore plus rapide. On peut également retenir le thème dramatique étouffant d’"Enigma", les moments de grâce ambient que sont "The Source", "Runes" et "Clouds In White Chiffon", la grandiloquence martiale de "Science Today", "Power" s’inspirant des coups d’orchestre du Sacre Du Printemps (1913) d’Igor STRAVINSKI, et enfin le rythmique et métallique "Cold Steel". Autant de titres qui, s’ils n’ont pas la prétention d’égaler les deux premiers WHITE NOISE, perpétuent le savoir-faire musical de David VORHAUS.

Cet album m’a toujours semblé manquer légèrement de cohérence, à cause de styles et instrumentations dépareillés. "The Video Invaders" et "Video Games" trouveraient mieux leur place sur le précédent Electro-Graphics (1982). Pourtant, Sound Conjurer possède davantage de thèmes marquants que Sleight Of Mind (1982). Des morceaux comme "Lemmings", "Enigma", "The Source" et "Domain Of Minos" m’amènent à pousser la note de 3 ½ à 4.