Santana a peut-être marqué l'histoire de la musique avec ses 3 précédents albums, mais continuer dans la même voie au risque de se copier aurait été une grossière erreur, et c'est une chose que Carlos et sa troupe semblent avoir compris.

Car Caravanserai est très différent de ses prédécesseurs. La touche rock fortement abondante auparavant a quasiment totalement disparu, et laisse sa place vers un style plus orienté vers le jazz, autre grand amour de Carlos Santana.
Mais ce qui a fait l'originalité et la personnalité de Santana, à savoir l'incorporation d'instruments et de rythmes latins, demeure dans la musique, et est encore plus omniprésent. Certains morceaux étaient essentiellement rock avant, cette fois-ci l'aspect latin de la musique est présent tout au long de tous les morceaux. On pourrait donc dire que Caravaserai est un album de latin-jazz, même s'il est très loin du style qu'on appelle habituellement par ce nom.
Ce changement stylistique n'a pas altéré la qualité des compositions, on a droit encore ici à du grand Santana, presque exclusivement instrumental (7 instrumentaux sur 10 chansons). On peut donc apprécier pleinement les talents des musiciens qui ont tous, à un moment ou à un autre, la parole dans cet album, et qui nous offrent de grands moments d'évasion. Les 4 minutes très aériennes de "Waves Within" sont du pur bonheur, de même que "Stone Flower", reprise du compositeur brésilien Antonio Carlos Jobim, arrangée à la sauce Santana.

Le jeu si personnel de Santana fait encore des merveilles. Un jeu mélodieux, inspiré, ne tombant jamais dans l'auto parodie, et qui arrive à remplir à lui tout seul de longs morceaux sans ennuyer l'auditeur, peu de guitaristes peuvent prétendre arriver à faire cela. "Song of The Wind" est à ce titre un bel exemple de toutes les qualités guitaristiques du bonhomme.
Le reste du groupe ne se contente pas "d'accompagner" derrière, ce qui transformerait Santana en groupe de guitariste (ce qu'il est plus ou moins devenu aujourd'hui), mais serve les compositions comme il le faut, par leurs rythmiques endiablées ou bien posées, passant quant il le faut au premier plan, et reléguant la guitare par la même occasion, parfois sur un titre entier "Future Primitive", où les percussions seules contribuent à donner un côté tribal à la composition (tout en prouvant aussi que Chepito Areas est l'un des meilleurs timbaleros de son temps).

Caravanserai constitue donc un virage bien négocié qui ouvre une voie dans laquelle Santana va cheminer pour abandonner de plus en plus son rock et continuer dans le jazz.
Un voyage stylistique qui n'est pas pour déplaire, du moins pour le moment.