J'entretiens le doux souvenir de sympathiques road-trip dans les Alpes du Sud, de bivouacs à côté de la voiture dans le Dévoluy, de virées insouciantes sur les belles routes du Vercors. Mais il y a road-trip et road-trip. Et si ces virées de quelques jours sur les routes bien entretenues de la métropole peuvent nous sembler épiques, nous donner une impression d'aventure, les kilomètres parcourus par le chanteur Xavier Rudd sur les routes et pistes australiennes sont d'une toute autre nature. Le bonhomme s'achète un vieux Land Cruiser Troopy, y embarque femme, enfant et chien, et s'embarque quatre mois durant dans une traversée du pays, au départ de Perth et jusqu'à la côté est, en passant par le nord (région du Kimberley, la plus septentrionale) et le centre de l'île. Habitué de l'exercice, il explique : "L'Australie est un pays qui dégage une puissance indicible, et chaque voyage est différent, chaque visite est magique."

La différence est que l'artiste, auteur du remarquable album Jan Juc Moon l'an passé, est revenu de cette nouvelle visite de l'Australie avec une chanson sous le bras, discrètement diffusée au format single digital depuis la fin du mois de juillet. Introduit par des babillages de bambin, le morceau ne tarde pas à se dévoiler : une pièce folk épurée et intimiste, portée par une guitare acoustique dominante et un harmonica en guise de ponctuation excentrique. Malgré la teneur du morceau, Xavier RUDD a ici décidé de proposer un titre folk dénué de tout agrément tribal ou de toute sonorité reggae, chose finalement rare dans le répertoire du bonhomme. Ainsi, "Road Trippin'" se déploie comme une entrainante pièce à la fois énergique et paisible, narration fidèle de l'épopée du chanteur à travers son pays et restitution fidèle des émotions ressenties à cette occasion. Ainsi, agrémenté de nombreux bruits de fond (animaux, gens, environnement), le morceau se fait un inventaire glorieux de la faune, de la flore et des lieux emblématiques qui ont ponctué le road-trip de l'artiste. Les amateurs d'exotisme trouveront leur compte à l'énumération de ces noms d'animaux et de plantes souvent inconnus des occidentaux, qui finissent par résonner chez l'auditeur tant la transposition avec notre propre environnement est aisé. Et puis, la conclusion universelle peut permettre, naturellement, à chacun de se retrouver dans le propos de l'artiste :

And everything is equal in this sacred land
Every plant, every animal, your own two hands
Road tripping

On en retient cette simplicité folk qui décuple la beauté de la voix de Xavier RUDD ainsi que la force de ses intentions. Ce single comme un ode à la beauté de l'Australie est aussi un témoignage réussi de la capacité de l'artiste à faire beaucoup avec sa seule guitare, et apporte une couleur supplémentaire à sa palette déjà bien fournie. Un single comme une redécouverte, un intermède, et un accomplissement. Et les émotions ressenties ne sont pas indexées sur le prix du pétrole.