Ecouter Xavier RUDD, c'est aiguiser ses sens. Améliorer son acuité visuelle, sa capacité à bien entendre. Ecouter Xavier RUDD, c'est épouser le monde. C'est irrépressible, chacun des enregistrements de l'artiste australien donne l'impression de redécouvrir l'espace qui nous entoure, de pouvoir faire corps avec la nature, briser ce mur invisible qui nous sépare. L'artiste n'est pas exempt de contradictions, son engagement en faveur de l'environnement se heurtant à ses participations à des concerts donnés à prix d'or aux Maldives, dont la politique n'est pas la plus exemplaire en la matière (et en matière de droits humains…). Xavier RUDD reste un homme. Et la musique qu'il créé reste une richesse.

Freedom Sessions débarque comme une heureuse surprise. L'artiste, globe-trotter aux racines profondément ancrées dans son Australie natale, s'est enfermé quelques temps en studio au cours de l'année 2003 pour mettre en boîte cet EP dont les morceaux ont été rendus publics pour la plupart sous forme de single digitaux. Une sortie empreinte de cette liberté qu'elle célèbre, un "simple état d'existence que tous les êtres humains devraient avoir le droit de connaître", pour citer le chanteur et multi-instrumentiste. De liberté il est en effet question, puisque ces morceaux couvrent, sans contraintes ni restriction, l'ensemble de la palette de styles et d'émotions qui donnent à la musique de Xavier RUDD une saveur unique.

"World Order", titre introductif découpé en deux parties, est une incantation presque chamanique dont les sonorités synthétiques peuvent générer une sorte de transe. S'ajoutent sur ces nappes de claviers une guitare slide, le chant à fleur de peau de l'artiste et ce didgeridoo tribal et inquiétant qui apporte un sens supplémentaire à ce morceau qui embrasse le monde. A mesure que le morceau progresse, le rythme s'accélère et on se retrouve enveloppé de ces sonorités qui nous font ouvrir les yeux. La magie de Xavier RUDD fonctionne ici à plein régime.

Succède à ce titre l'inédit "Moments", bien plus minimaliste, presque discret. Ce morceau folk acoustique est une belle chanson d'amour, porteuse d'une certaine rédemption, qui s'inscrit dans la lignée des morceaux du même genre proposés sur un album tel que Storm Boy. Ce morceau tout en douceur est suivi par le folk/reggae de "High Times", sans doute le morceau le plus réussi de cet EP. S'exprime ici la force tranquille de Xavier RUDD, dont la voix "fine" est rendue plus épaisse grâce à une basse délicieusement imposante. Le refrain se fait particulièrement inspiré, et c'est tout en décontraction que l'artiste australien délivre cette déclaration d'amour qui renoue avec ses racines reggae. Si nous ne reviendrons pas sur "Road Trippin'", une chronique ayant été consacrée à ce morceau lors de sa sortie en single, évoquons le titre final "Free The People", titre folk électrique "planant", agrémenté de nombreux bruitages et porté par des paroles répétées comme pour leur donner plus de sens : "Free the people / Free the animals". En en disant peu, le chanteur inclut ici l'homme dans un écosystème, le remet à sa place dans ce bestiaire auquel il appartient. L'intention est sympathique, le morceau manque néanmoins d'une véritable envergure pour donner autre chose que l'impression d'un remplissage inutile.

Extension logique de l'album Jan Juc Moon, ce nouvel EP de Xavier RUDD se fait tendre et habité, offrant un panorama des différentes aspirations artistiques d'un touche-à-tout qui, entre folk, reggae et musique tribale, offre ici un bel équilibre, et une poignée de compositions inspirées. De quoi s'en aller arpenter le monde d'un pas un peu plus léger et conscientisé.

3,5/5