Slow and Low est le fruit d'une réflexion longuement mûrie. Tetsu INOUE souhaitait réaliser un album en dehors des codes de l'ambient classique, ainsi qu'il le nommait lui-même, tout en restant tout à fait accessible au plus grand nombre. Dans une interview accordée à Hyperreal en 1996, il le concevait aussi comme une sorte de sculpture, mais sans émotion. Des explications pour le moins absconses au premier abord et qui n'encouragent guère à la découverte, d'autant plus que le style se fait ici un peu plus expérimental. Malgré tout, tout cela vient prendre un autre sens après une écoute attentive qui révèle un disque riche et complexe.

Il s'agit aussi d'une œuvre de transition pour notre Japonais. En un sens, cet album annonce déjà l'onirisme de World Receiver. Tetsu INOUE tente de brouiller les pistes en recherchant ainsi un son plus abstrait. Si les allusions mystiques propres aux deux disques précédents n'ont pas encore complètement disparu, Slow and Low évolue dans un univers nettement plus insolite. Tout change, semble nébuleux, évoquant des paysages à la fois terrestres et extraterrestres, à l'instar d'un long rêve où chaque nouvelle entité viendrait étrangement nous sembler à la fois familière et intrigante.

Les collages de vagues de "Man Made Heaven" se mêlent ainsi à un souffle non indentifié, comme une respiration lointaine. On y entend aussi des samples de voix distordus que reprennent également "Static Soul", "Slow and Low" et "Polychrome Chant", fréquences radios parasites ou appels de détresse en provenance d'un ailleurs difficile à situer. De même, dans un registre où la répétition est souvent la règle, aucune piste ne finit jamais comme elle a commencé et passe parfois par plusieurs étapes, à l'image notamment de "Slow and Low" et de "Automatic Motion". Après avoir chacun traversé une strastrophère de turbulences glacées, les deux morceaux amorcent une phase descendante vers des couches plus accueillantes.
Les drones inquiétants de "Polychrome Chant" s'enfoncent tout d'abord dans un épais brouillard, pour ensuite lentement remonter vers la lumière. En guise d'outro, l'agréable "Speculative Vision" refait doucement surgir le rythme avant de s'achever sur un final rayonnant et contemplatif. Ce disque est à l'image de sa pochette : un corps faussement statique qui, attentivemment scruté, ne cesse de se mouvoir et de se transformer.

Malgré tout, il ne faut pas se figurer une musique qui partirait ici dans tous les sens. Au contraire, Slow and Low porte rudement bien son nom. Les transitions ne sont jamais abruptes et même les moments les plus bizarres nous laissent flotter sur un nuage cotonneux. Sur le papier, si Tetsu INOUE ne s'éloigne pas tellement des climats apaisants d'Ambiant Otaku, il y apporte sans cesse une touche de singularité qui, au comble du relâchement, captive et inspire. Ce troisième et dernier album sur le label Fax avant longtemps propose en quelque sorte une nouvelle voie à la new age électronique, loin des clichés du genre.