Chicago a beau être une des plus grandes villes des USA, sa scène musicale est assez réduite pour que tous les musiciens de la Windy City et de ses environs se connaissent. ENUFF Z’NUFF, originaire de la banlieue Sud, se rend en studio quand le budget le permet sur une période de trois ans pour rassembler les compos de ce nouvel album en conviant au passage quelques confrères de la région.

C’est Rick Nielsen qui monte le premier sur le manège de "Freak". Si son ambiance de fête foraine est redondante avec l’ouverture de l’album précédent, elle se prête parfaitement au thème du monstre de foire de ce morceau drivé par un riff tournoyant typique du guitariste à casquette dans lequel Donnie Vie revendique le droit à la différence avec conviction (et une belle gueulante finale). Nielsen triture aussi ses cordes comme un beau diable sur "All Alone" et calme le jeu sur "Unemotional". C’est l’époque où CHEAP TRICK retrouve la niaque suite aux accolades de la nouvelle génération, Kurt Cobain et Billy Corgan en tête, si bien que lorsque EZN propose au leader des SMASHING PUMPKINS une collaboration, celui-ci les invite à reprendre une chanson des Tricksters, tout cela est décidément consanguin et sous parrainage des Quatre Garçons dans le vent. Le choix se porte sur "Everything Works if You Let it" et permet de redécouvrir un inédit extrait de la B.O du navet Roadie. La valse des invités voisins se termine avec James Young de STYX qui vient poser sa guitare sur "Top of the Hill" et la funky "Invisible".

Après la diversité des arrangements de Seven, Paraphernalia marque un retour à une formule rock dépouillée un peu sombre qui correspond bien aux nineties. Le fragile Donnie Vie passe par tous les états, il chasse les tendances suicidaires de "Ain’t it Funny" en se raccrochant à l’amour ("Believe in Love", "Baby, You’re the Greatest", bijou pop), non sans céder à la mélancolie ("Habit"). Tout est finalement résumé dans la ballade liverpuldienne "Someday" où le chanteur ne s’adresse à personne d’autre qu’à lui-même quand il promet des jours meilleurs une fois sorti de l’impasse des expédients. Outre les invités locaux, le line-up du groupe s’est stabilisé avec l’arrivée du pince-sans-rire Johnny Monaco, nouveau prodige de la six cordes, ancien guitar tech de Paul Gilbert doublé d’un très bon chanteur, atout idéal pour étoffer les harmonies vocales et en live, on tient là une des meilleures formations du groupe lorsque l’erratique Vie est en pleine possession de ses moyens.

Des trois morceaux inédits de la version US du disque, deux auraient dû le rester. "Save Me" et "No Place to Go" sont des exercices de style/hommages/clins d’œil (faites votre choix), respectivement à NIRVANA et aux SMASHING PUMPKINS qui alourdissent inutilement l’ensemble. Rien de tel en revanche avec "Loser of the World", énième ballade miraculeuse (et seconde de l’album) dont Donnie Vie a le secret. Paraphernalia marque évidemment le pas en comparaison de son prédécesseur mais fait montre d’une qualité d’écriture constante. Si on est un cran au-dessous du Pic Seven, on reste à une belle altitude.