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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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Pierre BACHELET - Quelque Part... C'est Toujours Ailleurs (1989)
Par AIGLE BLANC le 8 Mai 2024          Consultée 204 fois

Septième album studio de Pierre BACHELET, si l'on écarte volontairement les 6 bandes originales de films publiées au cours de la période, Quelque part... c'est toujours ailleurs est celui qui clôt la décennie 80, sans conteste la plus créative de l'artiste, du moins celle qui lui a valu d'accéder à la reconnaissance tant attendue de son statut de chanteur de variétés. Son heureuse rencontre dès 1980 avec le parolier et ami Jean-Pierre Lang a donné naissance à de beaux succès ("Les Corons", "Elle est d'ailleurs", "Marionnettiste") très appréciés d'un public de modeste obédience mais fidèle et sensible à l'authenticité de celui qui a su le conquérir sur scène.
Dans la même sphère musicale, rares sont les artistes ayant pu (et osé) publier deux double-albums à seulement 3 ans d'écart. Le duo BACHELET/Lang a trouvé sa voie et livre ses offrandes avec générosité.
La velléité créative en soi ne constitue en rien un défaut, mais l'industrie musicale populaire nous a souvent démontré que soutenir qualité et inspiration au long cours sur deux galettes, pour plus de plaisir a priori, est loin d'être chose aisée et qu'il est tant de double-albums 'bancals' qui auraient pu devenir de grandes réussites dans une version expurgée à la dimension d'un simple album. En 1985, le double-album de Pierre BACHELET, qui comprend l'un des plus grands succès du musicien, "Marionnettiste", et, dans une moindre mesure, le fort sympathique "En l'an 2001", n'avait pas tenu la distance de la double durée, handicapé par une seconde galette bien moins inspirée que sa consoeur.
Encouragé cependant par le succès de cette année-là, le chanteur se lance encore une fois dans un marathon en haussant, si possible, l'ambition d'un cran supplémentaire : le nouvel opus se veut également conceptuel, à une époque, qui plus est, où ce n'était plus vraiment à la mode. Loin semble le temps où PINK FLOYD produisait son opéra rock The Wall qui a tant impacté la suite de sa carrière.

Sur le papier, le concept à l'origine de Quelque part... c'est toujours ailleurs est plutôt séduisant : les deux galettes abordent de façon dichotomique les thèmes de la mer (disque 1) et de la terre (disque 2) dans un équilibre de 9 chansons consacrées à chacun. Depuis au moins 1982, la passion de Pierre BACHELET pour la mer a pu s'exprimer à travers deux chansons parmi ses plus réussies : "Typhon" interrogeait déjà l'obsession pour le large de certains marins solitaires incapables d'assumer la voie toute tracée d'une vie de couple. "Découvrir l'Amérique", quant à elle, exaltait les goûts de l'aventure et du voyage par le biais de l'allégorie de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, une chanson 'cinématographique' particulièrement bien construite dans laquelle le chanteur parvenait à inclure une évocation de ses rêves d'enfant. Peut-être le chef-d'oeuvre de Pierre BACHELET.

Du fait de son aura des plus fascinantes, 'La Mer' est la partie du double-album susceptible de susciter la plus grande attente de l'auditeur.
Les deux premières pistes, sans être exceptionnelles, déploient suffisamment de charme pour engager l'album sur une voie prometteuse. Pierre BACHELET a eu la judicieuse idée de solliciter la collaboration de la navigatrice Florence Artaud qui chante et parle dans les deux titres "Quelque part... c'est toujours ailleurs" et "Flo". Le premier offre au disque 1 une sorte de préambule qui s'apparente à celui d'un conte, le chanteur et la navigatrice jouant leur propre rôle au cours d'une rencontre qu'on devine 'autobiographique'. L'alternance de passages dialogués et chantés n'en fait pas une chanson au sens traditionnel du terme. L'accent est mis moins sur la structure musicale que sur la fraîcheur et la poésie du texte qui joue de manière touchante sur la symbolique analogique des prénoms :
(Comment tu t'appelles? / -Florence / -Mais c'est un nom de ville ça avec des places, des églises... des Italiens qui mangent des glaces. / - Alors appelle-moi... Flo.)
(- Et toi, comment tu t'appelles? / - Pierre. / - C'est un nom de caillou, ça... à naufrager les bateaux.)
C'est une belle introduction à la chanson suivante, "Flo", qui se présente de nouveau sous la forme d'un dialogue entre Pierre et Flo(rence), ou plus précisément entre un caillou et le navire de la célèbre navigatrice. Comme souvent, la mélodie de BACHELET est aussi simple que séduisante, les paroles de Jean-Pierre Lang privilégiant la métaphore qu'il manie avec subtilité. Les couplets sont alternativement assumés par Pierre et Florence; le refrain quant à lui est chanté en duo.
Si la suite du disque 1 ne retrouve jamais la magie simple de cette ouverture, du moins essaie-t-elle de conserver l'unité thématique de la mer, ce qui n'est pas chose aisée. Les réussites alternent avec les semi-échecs : parmi les premières, figure "Dauphin de légende" qui traite, selon le point de vue original du dauphin-même, l'arrachement de certains animaux marins à leur milieu naturel, en vue de les exploiter dans le cadre de spectacles supposément ludiques. Le choix pertinent de la focalisation interne du dauphin n'est pas sans rappeler celui de "La corrida" où Francis CABREL adopte à son tour le point de vue du taureau pour appuyer son pamphlet contre la barbarie taureaumachique. Bien que le texte de Jean-Pierre Lang soit un peu moins pertinent que celui de CABREL, la chanson de BACHELET a le mérite de la primeur en la matière, son sens mélodique la rendant peut-être plus populaire.
C'est sur la plus belle chanson de tout l'album que se clôt le disque 1 : "Le testament de l'océan" est une complainte 'déchirante' de la mer qui fustige la pollution dont l'accablent les activités humaines. Là encore, Pierre BACHELET se limite au rôle du passeur se contentant de chanter ledit testament rédigé, comme son titre l'indique, par l'océan lui-même. Si ce titre n'a aucune peine à se hisser dans le palmarès des plus belles réussites du duo Lang/BACHELET, c'est en raison de son texte aussi naïf que sensible, digne des plus beaux de Michel BERGER ("Chanson d'une Terrienne"), et surtout de la sublime mélodie du chanteur qui y livre le meilleur de lui-même. Que d'émotion !
Bien que "Typhon", au programme de cette partie consacrée à la mer, soit elle aussi une belle réussite, elle ne saurait rivaliser avec les deux titres précédents dans la mesure où il s'agit de la reprise d'une ancienne chanson de Pierre BACHELET. Le chanteur a pourtant la bonne idée d'en proposer une version alternative qui inverse les rôles des protagonistes en présence. Dans la version originale (1983), c'est l'homme qui prenait la mer dans un geste pouvant être qualifié de suicidaire, tandis que l'épouse, de son côté, livrée aux problèmes non résolus de son couple, souffrait de l'absence de ce dernier. En faisant appel pour la troisième fois à Florence Artaud, "Typhon" devient alors le récit d'une navigatrice 'suicidaire' prise dans un typhon et dont le compagnon resté sur terre ne peut que subir l'absence. La féminisation du point de vue confère à la chanson une nouvelle pertinence, appuyée par des arrangements nettement plus rock, la guitare de P. Tison comme rarement mise en avant. Une reprise justifiée et réussie.
Hélas, le quatuor formé de "Elle avait tout peint en bleu", "Regarde la mer", "A l'aube des requins chagrins"et d' "On s'reverra" atténue considérablement l'impression favorable des 5 réussites précédentes, les paroles n'ayant pas toujours un lien pertinent avec le thème de la mer et les mélodies plus banales et conventionnelles ne retenant pas vraiment l'attention.

Le disque 2 'La Terre' (faces C et D du double vinyl initial) déçoit les attentes de l'auditeur plus ou moins abusé par un titre programmatique qui n'est pas suivi très scrupuleusement. Si la terre des origines, gardienne du temple de l'enfance, irrigue au moins 4 pistes : "J'les oublierai pas" (évocation sensible du pays que le chanteur a quitté"), "Châteaux de sable" (la magie des jours heureux de l'enfance), "Etretat" (réminiscences d'une jeune fille autrefois aimée) ou "La terre est basse" (portrait mélodramatique d'Angèle qui débarqua un jour à Saint Malo), hélas, ces chansons n'abordent le thème terrestre que sous l'angle de la mémoire. C'est une expérience certes universelle, où se niche la plus belle des valeurs humanistes, mais cela ne couvre pas tous les autres aspects d'un thème qu'on devinait volontiers bien plus vaste.
Plus incompréhensible, les 5 autres chansons ne semblent pas si concernées par le concept terrien : "L'homme en blanc" célèbre la figure emblématique du Pape Jean-Paul II sur un rythme alerte et joyeux que réchauffe en espagnol le choeur mystique du refrain.
"Pleure pas Boulou" croque, comme sur le vif, la conversation de deux gamins assis sur le trottoir à la sortie de l'école. Jean-Pierre Lang y révèle un talent digne de RENAUD, sa plume se mettant humblement au diapason des deux garçons qui se racontent des histoires pas forcément drôles, sur un ton léger que souligne avec pudeur la mélodie guillerette de Pierre BACHELET, tandis que l'accordéon de M. Azzola transportant la nostalgie d'un cadre populaire nous serre la gorge.
"Théo, je t'écris" est une lettre que Vincent Van Gogh, interné près d'Arles, adresse à son frère Théo. Il s'agit non d'une lettre issue de la correspondance des deux frères, mais d'une recréation de Jean-Pierre Lang qui se love avec justesse dans les pensées du peintre maudit. Pierre BACHELET y chante avec sa foi habituelle, parvenant à susciter une belle émotion sans tomber dans le pathos.
"Ye ye les tambours" forme, avec "En l'an 2001" (1985) et "2001, le pied sur la lune" (1987), un tryptique qui doit son succès et sa réussite constante à la chorale des enfants de Bondy, laquelle inspire toutes les fois au chanteur-compositeur des airs entraînants donnant envie de taper du pied. Après s'être projeté dans le futur et avoir imaginé ce que pourrait devenir la vie de nos enfants d"aujourd'hui ("En l'an 2001" et "2001, le pied sur la lune"), Jean-Pierre Lang profite cette fois de la troisième collaboration avec la chorale de Bondy pour aborder un thème malheureusement devenu un topos lénifiant, celui de la guerre que se font les adultes. Son texte, sympathique mais guère original, est heureusement transcendé par la fougue de la chorale enfantine et la conviction irrésistible qu'insuffle P. BACHELET aux couplets de la chanson.

Pour peu qu'on mette de côté l'ambition affichée d'un double-album concept, qui n'est relevée que par intermittences, il n'est pas interdit d'apprécier un opus que sert avec talent et efficacité le duo Lang/BACHELET. Les deux compères ne se renouvellent pas, mais reproduisent avec talent une recette qui leur réussit depuis 1980. L'opus vaut principalement pour ses deux chefs-d'oeuvres : "Le testament de l'Océan" et "Pleure pas Boulou".
En revanche, les arrangements aux claviers de Bernard Levitte ne dépassent jamais le stade d'une illustration fonctionnelle qui se caractérise par la banalité de ses programmations. Cela empêche la plupart du temps la musique de s'épanouir, la maintenant hélas au niveau d'une Variété conventionnelle et trop souvent sans saveur.

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   AIGLE BLANC

 
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- Pierre Bachelet (chant, musiques)
- Jean-pierre Lang (paroles)
- Florence Artaud (voix)
- Liliane Davis (voix)
- Carole Fredericks (voix)
- Bernard Levitte (claviers, synthés, programmations)
- Patrice Tison (guitares)
- Nicolas De Angelis (guitare acoustique)
- Marc Chantereau (percussions)
- Guy Mattéoni (piano, direction des cordes)
- Chorale Des Enfants De Bondy
- Slim Pezin (dobro, banjo)
- Jean-jacques Milteau (harmonica)
- Michel Gaucher (saxophone)


- Disque 1 : La Mer
1. Quelque Part... C'est Toujours Ailleurs
2. Flo
3. Elle Avait Tout Peint En Bleu
4. Regarde La Mer
5. Dauphin De Légende
6. Typhon
7. A L'aube Des Requins Chagrins
8. On S'reverra
9. Le Testament De L'océan
- Disque 2 La Terre
10. L'homme En Blanc
11. Pleure Pas Boulou
12. J'les Oublierai Pas
13. Châteaux De Sable
14. La Terre Est Basse
15. Théo, Je T'écris
16. Ye Yé Les Tambours
17. Etretat
18. Le Déversoir



             



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