Recherche avancée       Liste groupes



      
VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

Commentaires (3)
L' auteur
Acheter Cet Album
 



Pierre BACHELET - Mes Premieres Chansons. L'atlantique (1975)
Par AIGLE BLANC le 8 Février 2015          Consultée 3083 fois

Alors que dénicher la musique du film Emmanuelle est un jeu d'enfant, se procurer l'effort solo initial de Pierre BACHELET s'apparente au parcours du combattant. Et c'est carrément mission impossible pour les malheureux possesseurs exclusifs de lecteurs laser, la version numérique du disque n'ayant pas été éditée à ce jour. Et comme les nombreux BEST OF ignorent quasiment cet album, force est de constater que ces éléments conjugués légitiment la question : est-ce un opus oublié voire renié par son auteur?
Au-delà de son statut de 'premier bébé', ce qui fait sa singularité, c'est son mode d'écriture. En effet, Pierre BACHELET en est l'unique auteur-compositeur-interprète. Sa fructueuse collaboration avec le fidèle parolier et ami Jean-Pierre Lang, qui signera pendant vingt-cinq ans ses plus beaux succès avec la sensibilité, la tendresse et l'humanisme qu'on lui connaît, ne débutera pas avant 1980, soit cinq ans plus tard.
P. BACHELET avait-il le talent suffisant pour lancer le navire seul aux commandes? L'échec commercial de son opus inaugural en constitue un élément de réponse. Le chanteur remisant au placard son projet de carrière solo se vit alors contraint de revenir à ses génériques d'émissions de télévision et à ses Bandes Originales de film, les seules productions musicales qui lui permettaient de subvenir à ses besoins. C'est ainsi qu'il composa après Emmanuelle les scores d'Histoire d'O (autre film érotique bcbg de son ami Just Jaeckin) et des Bronzés Font du Ski (la comédie française culte de Patrice Leconte à la fin des 70').

Comme le succès ne garantit pas le talent, de même l'échec commercial ne reflète pas forcément la médiocrité. Il m'a donc fallu pousser plus avant l'investigation pour tenter de comprendre le sort funeste qui s'abat sur ce disque oublié. Et en écoutant l'album composé des onze premières chansons de BACHELET (mis à part le tube "Emmanuelle"), un deuxième élément de réponse m'a sauté aux oreilles : la plupart des textes éclairent le chanteur sous un angle totalement inédit. Le nouvel arrivant de la chanson française voudrait inscrire ses paroles dans le sillon de Serge GAINSBOURG ou de RENAUD, et à travers eux, toute proportion gardée, de Georges BRASSENS, de JACQUES Brel et de Léo FERRE. Et c'est là déjà que le bât blesse. En 1975, le filon de la chanson anarcho-provocato-pamphlétaire a déjà une longue histoire derrière lui et ces nouvelles chansons arrivent... trop tard. Rien de nouveau à l'horizon.

Ayant compris que l'esprit contestataire voire le cynisme ne lui seyaient pas du tout, P. BACHELET dut négocier un virage à 300 degrés en 1980, à la sortie d'Elle Est D'ailleurs, point de départ officiel de son succès public lié à une image médiatique d'homme sensible et pudique. Soit une totale rupture avec la personnalité anarchiste qu'essayait d'imposer son premier opus.
Trois chansons seulement ici préfigurent le BACHELET des 80', dont deux abordent le thème archi-rebattu de l'amour : "L'Atlantique" qui ouvre l'opus occupa sans surprise la face A du 45-tours. Il s'agit du souvenir d'un séjour sur la côte atlantique. Un homme se rappelle les ébats qu'il partagea avec sa compagne de l'époque, à moins que ce ne soit un amour d'été avec une fille rencontrée sur place. Le problème de cette chanson, et récurrent de l'album, c'est qu'elle en évoque une autre bien plus réussie, un classique celle-là, vous aurez naturellement reconnu "L'Eté Indien ". Elle partage avec le célèbre slow de Joe DASSIN une structure Couplets parlés et Refrain chanté. BACHELET sabote considérablement la charge nostalgique de son illustre modèle, en réduisant le refrain à sept notes : "Toi-moi-et-la-mu-siii-que". L'ennui, c'est qu'avec un refrain aussi rachitique, il dilapide le potentiel émotionnel d'un tel titre dont le thème peut si bien s'inscrire dans l'inconscient collectif de tous les couples qui se sont aimés un été. Seule l'instrumentation (cuivres ou clarinette?), par son motif répété inlassablement dans le style minimaliste de Michael NYMAN, présente quelque originalité pour l'époque.
"Hello Darling" offre quant à elle le pendant provocateur de "L'Atlantique". Plutôt qu'une chanson d'amour, c'est une chanson de sex'n'drugs. Sur un ton sournois et licencieux, le chanteur invite sa darling à fricoter avec lui. Les pointes planantes de la guitare alliées au rythme alangui du chant épousent les circonvolutions de la fumée des 'pétards'. Le mot n'est jamais prononcé mais la voix de BACHELET sait le rendre évident. On se croirait dans une chanson des PINK FLOYD période Obscured By Clouds, en moins réussi toutefois. En fait, la charge érotique du titre est davantage portée par l'interprétation vocale que par les paroles. Le problème, c'est qu'à ce jeu GAINSBOURG a signé l'indétrônable "69, Année Erotique" dont les paroles enfoncent celles de "Hello Darling".
"A longueur de Temps" se veut une réflexion existentielle sur le temps qui passe, thème que BACHELET abordera ultérieurement avec plus de réussite. Le refrain déplore ceux qui attendent leur vie plutôt que de la vivre. Mais vivre sa vie, même intensément, ne met personne à l'abri puisqu'"On attend sa mort." La mélodie (piano Wurlitzer, tambourin, basse et synthétiseur) épouse la douceur d'une comptine, le chanteur sussurant le refrain plus qu'il ne l'entonne. Rien qui ne dépasse ici l'anecdotique.
"Tiens, Salut" se veut une petite cousine de la chanson précitée dans la mesure où elle déplore encore les ravages pernicieux du temps qui passe. Ce qui la rend plus intéressante, c'est la volonté de théâtralisation. Les couplets, encore une fois parlés, épousent la forme d'une conversation aveugle entre deux amis (ou deux amants, je n'arrive pas à trancher) qui se croisent un jour après s'être perdus de vue depuis de longues années et se rendent compte qu'ils n'ont plus rien à se dire. Le refrain, très beau, nous invitant à nous remémorer l'amitié perdue de jadis pourrait faire résonner ce que regrettent secrètement les deux anciens amis sous la façade lisse de leur rencontre ratée. L'instrumentation en sourdine des couplets (un orgue rayé et quelques couinements de guitare), devient plaintive lors du refrain. Le synthétiseur y joue une improvisation gorgée de feeling et d'émotion. L'ensemble, qui aurait toutefois mérité un plus large développement, parvient à faire vibrer la corde sensible de l'auditeur comme un sanglot étranglé.

Un esprit anticlérical étonnant traverse tous les autres titres de l'album. Dans "Avec Satan", le chanteur semble se venger de son enfance catéchisée à travers un refrain où il clame son droit à chanter qu'il emmerde les curés. La chanson s'élève à l'anarchie dans les couplets suivants qui s'en prennent aux gardiens de la paix et enfin à l'armée qui a tenté de l'enrôler à la guerre, probablement celle d'Indochine. Par sa rythmique rock-pop plus marquée, c'est le titre le plus efficace parmi les contestataires.
Dans "L'Amour Démoniaque", le chanteur qui s'identifie à Lucifer invite une fillette à faire l'amour avec lui. Le thème et la mélodie sont trop redondants avec ceux de "Hello Darling".
Avec "Petite Soeur", le narrateur ironise sur le choix de sa soeur d'entrer dans les ordres. Elle devient dès lors une mère sans marmot et une épouse sans époux. La charge anticléricale tourne court, il n'y a guère que la guitare tsigane qui ajoute un peu de couleur à cette chanson vite oubliée.
"V'là le Printemps" est le titre dont les paroles me laissent perplexe. Je ne comprends pas ce que son auteur a voulu exprimer, si ce n'est qu'il préfère l'Hiver au Printemps. C'est ici que la posture anarchiste de BACHELET devient la plus flagrante. Le chanteur évolue sur un mode qui contredit sa personnalité profonde. Il ne pouvait pas continuer sur cette voie. Il n'avait pas encore rencontré celle qui "est d'ailleurs".

Ce premier effort solo ne vaut que pour sa valeur de témoignage sur les débuts méconnus de Pierre BACHELET.

A lire aussi en VARIÉTÉ FRANÇAISE par AIGLE BLANC :


Pierre BACHELET
Les Corons (1982)
L'album idéal pour découvrir Pierre Bachelet




Etienne DAHO
Le Condamné à Mort (2010)
VariÉtÉ franÇaise


Marquez et partagez





 
   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Pierre Bachelet (paroles & musique)
- Hervé Roy (arrangements)


1. L'atlantique
2. A Longueur De Temps
3. Ils Y Croient Tous
4. Avec Satan
5. Hello Darling
6. La Connerie
7. L'amour Démoniaque
8. V'là Le Printemps
9. Seulement Voilà
10. Petite Sœur
11. Tiens Salut



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod