En 2011, le 18 juin, très exactement trois ans et un mois après avoir perdu un premier membre fondamental avec Danny Federici, le E STREET BAND subit un deuxième choc irrémédiable : Clarence Clemons dit le 'Big Man' n'est plus. La veille, il avait été opéré pour un AVC survenu quelques jours plus tôt, et les complications post-opératoires n'ont simplement pas aidé à remonter dans le bon sens. Le plus grand saxophoniste du rock, un des plus grands musiciens-emblêmes de cette musique s'éteint à 69 ans, un chiffre qui ferait presque sourire tant Clarence dit Mr. C symbolisait une forme de mâle nounours dont le son d'instrument décuplait la déjà solide virilité. Bruce SPRINGSTEEN son 'Boss' et les autres mettront du temps à s'en remettre - bien qu'un remplaçant tout trouvé, tant physiquement que musicalement, prendra forme grâce à Jake Clemons, neveu du défunt, merci les liens du sang.
Au niveau populaire, c'est un raz-de-marée. Un mois avant, il apparaissait sur le nouvel album Born This Way de cette chère miss Stefani Germanotta pour deux titres dont le tube servant de conclusion à l'ensemble, "The Edge of Glory". Jouant du son tonitruant qu'on lui connaît depuis 1973-75, il apparaît même dans le clip (chose qui ne s'est pas toujours produite avec SPRINGSTEEN), vraiment fait de justesse donc, même si, suite à cela, pour son épitaphe, certains journaux n'ont pu titrer mieux que 'le saxophoniste de LADY GAGA est mort'. De nombreux artistes lui rendent hommage, BON JOVI, Bono de U2, LADY GAGA en rajoutent sur scène.

Trente ans plus tôt, en 1981, Clarence CLEMONS est avec le E STREET BAND et n'a pas encore commencé de carrière solo. Il se rend dans un studio du New Jersey auprès des producteurs Jim Nuzzo et Dennis Bourke qui lui proposent d'enregistrer une composition de ce dernier, "There's Still Christmas". Affublé d'un bonnet de Noël, notre Big Man enthousiaste signe ici tout simplement ses premiers efforts en tant que soliste, au chant pour le morceau de Rourke, et au sax séparément, pour une reprise instrumentale de la "Christmas Song" bien connue en particulier grâce à Nat KING COLE. Il s'agit du plus vieux projet qui l'écarte du E STREET BAND temporairement, mais qui est resté dans les tiroirs, faute de pub adéquate au bon moment (trop tard pour la Noël 81), et que les producteurs décident de ressortir en cette fin d'année 2011, pour rendre hommage à leur tour au Big Man, que les fans peuvent écouter en s'émouvant. Un petit single ne mange pas de pain, et c'est toujours cela en plus de pris.

"There's Still Christmas" avec son piano roulant et ses cordes frileuses, sa petite rythmique jazz acoustique ornent la voix grave de CLEMONS, très jolie et que l'on aurait pu découvrir ainsi, avant qu'il n'y croie davantage en 1985 pour son deuxième album seul, Hero. Il fait même déjà un peu le crooner et, pour ce titre plutôt bavard, mène bien et gentiment la danse suave, pleine de douceur, de quoi faire oublier qu'il est le plus grand saxophoniste du rock. Les cordes mélodiques en fond semblent lointaines, mais c'est un enregistrement fait de bric et de broc, avec un esprit rétro, venu de l'époque 'mono'. Et que dire de cette modulation à la fin ? Pour sûr, cela a son charme.
À côté et sans chant, la "Christmas Song" est plus scolaire mais le sax reprend ses droits dès le départ aux côtés du piano, tranquillement. C'est smooth à souhait, avec les cordes, la batterie en rimshot, mais d'un coup, CLEMONS et son souffle surpuissant s'élèvent à nouveau comme on les a toujours connus, comme ce devait être le cas. Il y a une seconde version de ce titre nommée 'extended', où l'on note effectivement une minute de temps supplémentaire grâce au piano ajouté après la première séquence, l'entrée des cordes ensuite. De quoi mieux justifier le départ brusque du sax dans la version originale, et on peut aisément préférer cette 'extended' au final. Il n'y a pas à dire, on passe un sacré beau moment avec le Big Man, pas tout à fait dernier puisque sur son album à venir Wrecking Ball en 2012, Bruce SPRINGSTEEN détient lui aussi un solo de sax et une piste vocale qu'il ne se privera pas d'utiliser, avec qui il faut en hommage, en pensée.