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VARIÉTÉ INTERNATIONALE  |  B.O FILM/SERIE

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Ennio MORRICONE - Le Bon, La Brute Et Le Truand (1966)
Par MARCO STIVELL le 30 Janvier 2023          Consultée 1273 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La fin de la Trilogie du Dollar, le meilleur des trois films fondateurs du western nouveau dit 'spaghetti' ; même si le second, avec sa valeur sentimentale et un personnage mûr de grande force, le concurrence sur bien des points. Sergio Leone, qui a confirmé son cinéma-phénomène et s'est lié au conglomérat de producteurs United Artists, peut donc mettre les moyens, faire exploser le budget pour créer de grandes batailles militaires notamment. Mais, comment cela se fait-il ? Déjà, en 1964, au début, on pensait la guerre de Sécession touchant à sa fin voire déjà terminée. En cela, Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo/The Good, the Bad & the Ugly/Le Bon, la Brute et le Truand marque une scission dans la fausse saga, puisqu'il se passe en réalité avant les deux films qui le précèdent. C'est d'ailleurs celui où Clint Eastwood/l'Homme-Sans-Nom trouve son fameux poncho, un peu avant la conclusion. Mais Leone n'en a pas fini avec les cache-poussière pour autant !

La chasse au trésor prend plus d'ampleur que jamais. Cependant, notre réalisateur trouve de plus en plus important de ré-enseigner aux Américains leur propre histoire parfois 'oubliée', comme la seule bataille survenue au Texas pendant la Civil War ou encore les camps nordistes de prisonniers passés sous silence dans le populaire, contrairement à ceux des perdants sudistes. Cette richesse fait la force d'un tel film, odyssée véritable de trois hommes différents mais complémentaires, qui se mettent parfois au service des autres mais n'en oublient jamais leurs propres intérêts, offrant tout de même quelques gestes humains dans le meilleur sens.

D'abord, Clint, le 'héros' sans nom, une sacrée fripouille que l'on n'en appelle pas moins 'le Bon', et qu'une flûte à bec immortalise autant que les sifflements d'Alessandro Alessandroni, ramenés à beaucoup de simplicité suite à l'exubérance du volet précédent. Ensuite, Eli Wallach/Tuco, 'la Brute', duquel se rapprochent le mieux les cris imitatifs du coyote par la chorale d'hommes ; personnage humoristique, 'chaplinesque' qui flingue et se venge avec le sourire mais se signe à la vue d'un cadavre. Enfin, Lee Van Cleef qui a laissé son rôle de gentil Mortimer pour devenir Sentenza, 'il cattivo/le méchant', tueur et tortionnaire sadique de sang-froid, qu'en français nous avons inversé avec 'la Brute' pour donner à Tuco du 'Truand'. Pour lui, c'est un ocarina dans les graves. Et toujours, pour lui comme pour les voix ou la flûte, deux simples notes, un la et un ré, jouées en trilles rapides.

Le générique voulu par Ennio MORRICONE nous explose ainsi aux oreilles dès le départ, avec son premier cri du coyote a-cappella, sa danse amérindienne, puis sa présentation des personnages lentement, tranquillement. La guitare électrique balance ensuite son riff le plus mythique, une envolée céleste et épique avec chorus et réverbération, contemplative d'abord puis de plus en plus fournie et marquée de descentes, liant à jamais western et rock par la plus belle des subtilités. L'orchestre cavalier s'emballe et retombe, mais ce n'est pas terminé. Après un retour du thème principal, la trompette de l'armée mexicaine déferle et la cavalerie revient pour la bataille, forcément victorieuse, entraînant canonnades et orchestre dans son sillage, les flûtes du héros que Tuco appelle vite 'Biondo/Blondin', la guitare électrique etc. Si le terme grandiose peut avoir une définition savante et mélodique à la fois, tout est là. Le générique raconte le film, la guerre, la course au trésor, plus que jamais !

Maestro MORRICONE a déjà donné largement ses lettres de noblesse, quoiqu'il en dise lui-même et notamment pour du deuxième volet, avec ses boîtes à musique, ses adieux au colonel. Une fois encore, il ré-exploite ses idées avec génie, donne une allure de cycle sans fin à la musique pour coller à celui des thématiques, des décors andalous, des acteurs eux-mêmes. Parmi ceux-ci, les seconds rôles de Mario Brega, ancien Niño et désormais caporal Wallace dit 'le tortionnaire', de Luigi Pistilli alias 'Groggy' devenu ici Pablo Ramirez, moine en chef et frère de Tuco... Sachant que Gian Maria Volontè, grand absent, aurait très bien pu jouer un quatrième larron, pour parfaire encore le tout, mais non. Le duel final n'est qu'un 'triel', et la musique se trouve modifiée le temps d'une courte interruption qui rappelle la boîte à musique, oubliée jusque-là. Quant à la dernière accélération, elle est encore meilleure en film, pas seulement grâce aux visages en gros plans.

De tout le travail réalisé par maître Ennio, peu de choses ont été écartées, comme une partie bruitiste qui fait suite au très beau début du "Ponte di Corde", lorsque Tuco assoiffé parvient au village, avec son arpège roulant de guitare classique (on y reviendra). La totalité du reste, peu ou prou, est essentielle, même dans le secondaire comme toujours. Le Bon, la Brute et le Truand regorge de thèmes oubliés qui contribuent à la qualité inestimable. J'ai un gros faible pour "The Sundown", rêverie étrange à la guitare nylon sur tapis de cordes qui signale l'entrée en scène de Sentenza au début, d'une élégance folle. C'est aussi cela, l'esprit Leone et désert de Tabernas, à plus forte raison maintenant que le succès a parlé.

Sentenza, c'est aussi un thème froid comme la glace, avec un arrangement de cordes noir, une guitare baryton et un cor anglais qui brode funestement sur deux ou trois notes à son tour. Ce même dernier instrument conduit à merveille la suite "The Desert", moment d'orfèvre en matière de contemporanéité au service de la mélodie. Tuco se venge de la trahison de Blondin et le fait marcher sous un soleil de plomb, Ennio MORRICONE fait jouer à l'orchestre une marche à la mort, aux sons denses, au cor anglais oriental, avec des roulements de piano qui évoquent l'or lointain et une grande sensation d'étouffement. Magistral, ce genre de thème est encore plus percutant dans un western certes non-classique, que dans un péplum, une séquence de la croix du Christ ou autre.

Leone voulait différent climats pour son film, et son ami compositeur y est non seulement parvenu, mais il a carrément influencé de nombreuses scènes, jeux d'acteur. Le salut de Blondin arrive avec "The Carriage of the Spirits", le chariot de Bill Carson et sa trompette mexicaine solennelle, accordée avec le chant de la soprano Edda Dell'Orso, tout comme les mots 'militaire' et 'mélancolie'. On réentend ce thème développé au monastère du frère Ramirez, séquence de repos temporaire et touchante de sentiments, avec un développement léger unique où les bois (clarinette, flûte, cor anglais) se répondent, ainsi qu'une nouvelle partie de guitare andalouse délicate à retenir.

MORRICONE relie et triture ses thèmes avec un brio non négligeable. La partie militaire n'est pas en reste avec "The Story of a Soldier", chanson rare qui est un peu entre ballade méditerranéenne et country, par la chorale d'hommes. Elle prend plus d'ampleur quand on sait qu'elle est là pour masquer la torture de Tuco par Sentenza et Wallace. De même, "Marcia", avec son harmonica léger et une mélodie enfantine, les sifflements et le pas de l'armée faisant le reste, décliné ensuite en "Death of a Soldier". Celle-ci, entre sa chorale humble en simples vocalises (juste avant l'explosion du pont), et sa dernière évocation à l'harmonica (de plus en plus présent, décidément !) sur fond de cordes, est l'un des bijoux cachés de la B.O. Tuco et Blondin traversent le fleuve, le final approche, mais on nous émeut encore un peu, jusqu'à ce que ce que Blondin offre une dernier demi-cigare.

Enfin, Sad Hill, le cimetière, décor de fin que Leone voulait en forme d'amphithéâtre romain et qu'il n'a trouvé qu'en Espagne, mais plus haut, en Castille du nord. Tuco, seul au début, court comme un possédé, à l'idée que le trésor tant convoité est là, dans une tombe qu'il n'y a plus qu'à trouver. Le piano roule comme la guitare nylon le faisait sur le pont de corde naguère, ou lui-même dans le désert. Le cor anglais s'élève et joue une mélodie ample, d'une grande profondeur. Puis l'orchestre s'élève et Edda Dell'Orso, princesse chanteuse croisée çà et là depuis deux ans, se voit couronnée avec un faste, une grâce rarement égalés dans le lyrique et avec autant d'évidence, sur pareil ostinato. Les cloches tintent pour déboussoler Tuco, l'orchestre rugit pour signifier la présence de l'or avant même que celui-ci ne soit découvert... Des décennies plus tard, "Ecstasy of Gold" est toujours l'un des moments les plus attendus du cinéma, à chaque vision du film.

Et si cela ne suffisait pas, on en oublierait presque le fameux triel, règlement de comptes face à face, deuxième moment d'apothéose et grand final de la Trilogie, qui se base à son tour sur les deux termes des volets précédents. Les roulements reviennent à la guitare nylon cette fois, puis à la guitare électrique, l'orchestre se laisse porter par la trompette au fil de l'installation dans l'arène, des gros plans sur les yeux qui s'observent, se guettent. On pourrait rester dans la conformité de ce que l'on connaissait, mais il s'agit du grand final, et MORRICONE, après avoir joué sur la suspension, le silence et la répétition, fait décoller ses musiciens et choristes dans un boléro puissant, aussi bref que nécessaire. Pan ! Il n'y a donc plus rien à dire, sinon remettre le générique pour s'en aller.

Fédérateur grâce à ses acteurs, ses personnages, son histoire longue et rythmée, ses décors, sa lenteur et ses accélérations, ses langueurs et ses rebondissements, ses bassesses humaines autant que ses bons sentiments, son humour et ses répliques (à commencer par "le monde se divise en deux catégories..."), Le Bon, la Brute et le Truand est, pour le cinéma, au niveau des plus grands opéras. Et au cas où on ne l'aurait pas assez dit, Ennio MORRICONE y est pour beaucoup. Il fallait ce film pour sacraliser le genre, l'internationaliser avec plus d'ampleur définitive. Plus personne ne fera aussi bien après cela, sauf Sergio Leone lui-même ! Et j'entends feu mon père, un soir de mes 9-10 ans, me laisser veiller devant la télévision pour une fois, en disant : "Ce soir, il y a un western génial !"

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   MARCO STIVELL

 
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- Ennio Morricone (compositions, orchestrations)
- Unione Musicisti Di Roma (orchestre)
- I Cantori Moderni (chorale)
- Edda Dell'Orso (soprano)
- Ermanno Wolf-Ferrari (cor anglais)
- Nicola Samale (flûte à bec soprano)
- Bruno Battisti D'amario (guitare électrique)
- Franco De Gemini (harmonica)
- Italo Cammarota (ocarina)
- Vincenzo Restuccia (percussions)
- Francesco Catagna (trompette)
- Michele Lacerenza (trompette)
- Alessandro Alessandroni (siffleur)
- Franco Cosacchi (voix de fausset)


1. Il Buono, Il Cattivo, Il Brutto
2. Il Tramonto
3. Sentenza
4. Fuga A Cavallo
5. Il Ponte Di Corde
6. Il Forte
7. Il Deserto
8. La Carrozza Dei Fantasmi
9. La Missione San Antonio
10. Padre Ramirez
11. Marcetta
12. La Storia Di Un Soldato
13. Il Treno Militare
14. Fine Di Una Spia
15. Il Bandito Monco
16. Due Contro Cinque
17. Marcetta Senza Speranza
18. Morte Di Un Soldato
19. L'Estasi Dell'Oro
20. Il Triello
21. Il Buono, Il Cattivo, Il Brutto



             



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