Nous sommes en 1982, et le jeune guitariste allemand Jürgen Breforth est fasciné par la New Wave of British Heavy Metal qui inonde l'Europe avec des groupes tels que IRON MAIDEN, JUDAS PRIEST, SAXON ou DEF LEPPARD. Il n'en faut guère plus pour que le musicien se décide à monter son premier groupe, MAD MAX. La même année, la formation publie un premier album (rétrospectivement présenté comme une démo par Jürgen, à deux doigts de renier cet effort de jeunesse) qui lui permet d'obtenir un contrat auprès de la réputée maison de disques Roadrunner Records. Suivent trois albums qui, enregistrés en compagnie du sémillant chanteur Michael Voss, à l'avenir très prometteur, constituent un intéressant corpus hard rock qui avec un peu plus de consistance et de chance aurait pu porter le groupe au niveau de ses compatriotes de BONFIRE. Malgré des tournées en compagnie de URIAH HEEP, PRETTY MAIDS ou encore STRYPER, la suite de carrière de MAD MAX ne sera malheureusement pas aussi prometteuse que ce que pouvaient laisser espérer les trois premiers albums de la formation. Après un coup d'épée dans l'eau en 1999 avec l'album Never Say Never, le groupe connait une belle seconde partie de carrière à partir de 2006. Le départ de Michael Voss en 2020 marque le début d'une période plus chaotique, mêlant incertitudes et changement de line-up.

Puisque le groupe fête cette année les 40 ans de Rollin' Thunder, son premier album sorti chez Roadrunner, Jürgen Breforth, qui a pour l'occasion décidé de rebaptiser son rejeton MAD MAX LEGACY, a programmé une tournée commémorative et s'est lancé dans un projet de réenregistrements en studio de morceaux choisis des trois premiers albums de son groupe. L'album, intitulé sobrement Best of 40 Years, propose ainsi 10 morceaux issus des albums Rollin' Thunder, Stormchild et Night of Passion. Qui ne connaît pas le groupe pourra ici trouver une intéressante porte d'entrée puisqu'y sont réunis les morceaux les plus percutants de la formation, dont la palette s'étend du hard rock mélodique, parfois proche du hard FM ("Night of Passion", "Hearts of Fire") à un heavy metal musclé et débridé ("Stormchild", "Heroes Die Lonely"), offrant un compromis savoureux et un bel aperçu de ce groupe qui a su manier avec brio les codes d'un hard 'à l'européenne'.

Le hic est en premier lieu que ce travail de réenregistrement avait déjà été effectué par le groupe en 2015 avec le très réussi Thunder, Storm And Passion qui avait su rafraîchir et donner un coup de jeune à ces morceaux âgés alors de 30 ans. La démarche est strictement identique, et la setlist est la même, exception faite du morceau "Starcrossed Lovers", titre de clôture de l'album Night of Passion, qui n'avait pas été retenu pour l'album de 2015. L'intérêt artistique, si l'on peut en trouver dans ce genre de projet consistant à revisiter son passé, est donc sérieusement compromis. D'autant plus que, souffrant d'une certaine instabilité depuis le départ de Michael Voss, MAD MAX présente ici un line-up renouvelé aux 2/3, seuls Breforth et le batteur Alex Kruse restant fidèles au poste. Il ne reste quasiment personne de la formation ayant enregistré le séduisant album Wings of Time en 2022. Nous déplorons notamment l'absence du chanteur Julian Rolinger qui avait su renouveler avec brio une identité artistique pourtant fortement associée à la voix de son prédécesseur au micro. Le groupe nous propose ici un certain Steven Screamz, coach vocal et par ailleurs chanteur dans un groupe rock celtique, un vocaliste fort talentueux et techniquement irréprochable, mais auquel il manque une intensité dans l'interprétation, les relectures proposées se révélant ici nettement inférieures à celles réalisées 9 ans plus tôt.

Le son est percutant, de même les lignes de guitares lead, rafraîchies avec respect et subtilité. Il n'y a rien ici de réellement décevant, mais entre le rendu somme toute fade et l'impression de redite (voire une volonté de reécrire l'histoire), il faut bien reconnaître que ce projet MAD MAX LEGACY n'emporte pas notre adhésion. Il est dommage que Jürgen Breforth n'ait pas su (pas pu ?) persévérer avec le line-up de son précédent album et proposer de nouveaux morceaux, ce qui lui aurait permis de prouver que, 42 ans après ses débuts, MAD MAX reste un groupe créatif et actuel. Cet album inutile est surtout une relecture décevante et redondante d'un glorieux passé. Ce syndrome du réenregistrement à outrance qui a également frappé BONFIRE ces dernières années est sans doute un symptôme inquiétant du besoin des groupes de capitaliser sur un passé révolu plutôt que de créer de nouvelles compositions pour continuer à faire parler d'eux. L'exercice a ici trouvé ses limites.