Pour nombre d'artistes établis, proposer un album live représentant la tournée qui a suivi la sortie de son dernier opus studio est monnaie courante. Chris ISAAK semble pour sa part ne pas vraiment avoir saisi le concept, puisque ce Live at the Fillmore a été capté en 2008, soit un an avant la sortie de l'excellent Mr Lucky, qui a pourtant remis le bonhomme sur de bons rails après sept ans de silence. Étrange, lorsqu'on sait que ce dernier album, s'il n'a pas bénéficié d'un succès commercial conséquent, a néanmoins été salué par les critiques et le public, ISAAK sortant rien de moins qu'une de ses toutes meilleures réalisations.

C'est donc avec une légère déception que l'on aborde ce nouvel opus live de l'Américain banané. Ce live, enregistré dans la célèbre salle de San Francisco, présente néanmoins quelques titres de Mr Lucky, présentés alors comme « des titres inédits qui devraient figurer sur un album à venir... ». C'est d'ailleurs de manière fort humoristique que Chris ISAAK introduit le formidable morceau « We Let Her Down », qui deviendra la pièce-maîtresse de Mr Lucky : « Je sais qu'il y a des gens qui piratent notre concert en ce moment même. Sachez que nous prenons notre musique très au sérieux alors, si des gens enregistrent, ne manquez surtout pas ces morceaux ! ». Effectivement, mid-tempo riche en émotions, « We Let Her Down » s'intègre parfaitement dans une setlist faisant la part belle aux grands classiques du bonhomme. Seuls « Take My Heart » (rockabilly endiablé) et « Best I Ever Had » (rock sulfureux) représenteront Mr Lucky.

Champ libre est donc laissé au riche patrimoine musical d'un Chris ISAAK très en voix, prenant un malin plaisir à faire réagir un public féminin sous le charme à chacune de ses envolées vocales vers des notes aiguës au feeling très 50's. Débutant par « Lonely With a Broken Heart », blues-rock au groove endiablé, extrait de l'album majeur qu'est San Francisco Days (1993), l'album alterne entre sucreries lancinantes, ballades country poignantes et gros son entraînant. Trouvant l'équilibre parfait entre ces différents genres qu'il pratique avec un égal bonheur, Chris ISAAK distrait et convainc, faisant montre d'une bonne humeur communicative et d'une présence de tous les instants avec un public totalement acquis à sa cause. Il faut dire que le bonhomme assure vocalement, tant et si bien que l'on est bien en peine de constater l'emprise du temps sur les cordes vocales du crooner. Comme à la bonne époque, le bonhomme s'éclate sur le tube « Wicked Game » (extrait de Heart Shaped World), sur le communicatif « Dancin' » (extrait de Silvertone) ou encore sur l'hawaien « Two Hearts » (San Francisco Days). Mais c'est bien « Baby Did a Bad Bad Thing » (Forever Blue), popularisée par le film Eyes Wide Shut, qui recueille tous les suffrages.

C'est sur l'hispanisante ballade « Blue Spanish Sky », dernière petite perle extraite de Heart Shaped World que s'achève cet opus live. Des regrets ? L'absence de « Blue Hotel », classique des classiques s'il en est, et surtout le mauvais timing quant à la sortie de cet album, qui aurait du être publié bien plus tôt. Espérons qu'un live retraçant la tournée actuelle de ISAAK et reprenant quelques-unes des nombreuses perles qui constituent Mr Lucky (telles que « Breaking Apart » ou encore « I Lose My Heart ») verra également le jour. Reste le plaisir, intact, de retrouver un artiste si particulier, hommage vivant au rock des années 50, qui ne se fout décidément pas de la gueule de son public et semble avoir à cœur de livrer des prestations de qualité. Toujours ça de pris !